La Siria et nous…

La catégorie centrale pour décrire le présent reste celle de l’impérialisme qui, outre son corollaire de monopole et de concurrence, pousse à la guerre. Guerre qui, comme nous l’avons écrit à plusieurs reprises dans notre journal, se traduit par des fronts extérieurs et intérieurs.

Fronts extérieurs : pour le contrôle des ressources ou simplement pour occuper un territoire aux dépens des autres. Aujourd’hui, les processus de crise en cours ébranlent les anciens équilibres impérialistes. Et ils rendent la compétition mondiale encore plus vive. Les conflits locaux, hégémonisés par des logiques impérialistes, sont le terrain de bataille de la compétition mondiale. Rendant encore plus féroce l’hégémonie impérialiste sur les peuples opprimés et les classes laborieuses .

Front intérieur : dans une militarisation et une fascisation de la société , qui ne rejette pas la « démocratie », car elle reste la meilleure enveloppe de l’impérialisme, mais qui réduit les marges de participation et fait de la « politique » une affaire technique. La guerre entre les pauvres est directement utilisée et encouragée par les classes dirigeantes. Dans certains cas, la police devient directement un corps militaire d’« occupation ». Sur le plan juridique le développement de procédures de jugement rapide, comme la comparution immédiate, l’augmentation de la détention provisoire l’allongement de la durée des peines, entraîne une augmentation des peines longues et courtes. Ces mêmes structures supranationales évoquent de plus en plus souvent des scénarios hypothétiques d’armées d’urgence pour réprimer les soulèvements et les rébellions, comme c’est le cas avec l’OTAN.

La chute du gouvernement en Syrie

La chute récente de la République syrienne est un événement qui fait date et qui modifie profondément l’ordre territorial au Moyen-Orient. La Syrie était en proie à une guerre civile qui durait depuis près de 15 ans avec des intensités variables. Outre les contradictions sociales et politiques au sein de la république syrienne, la guerre civile était animée par des appétits impérialistes libérés par la concurrence mondiale.

Avec la chute de la république syrienne, précédée par la fin de l’Irak de Saddam Hussein et de la Libye de Kadhafi, la vague anticoloniale et panarabe a historiquement pris fin. Des gouvernements, dirigés par des élites militaires nationales laïques, souvent avec des politiques fortement anti-peuple, mais farouchement anti-impérialistes, écrasés par l’hégémonie impérialiste américaine et atlantique. L’impérialisme atlantique a eu recours à des secteurs de l’islam politique, souvent d’origine sunnite, pour briser ces gouvernements de l’intérieur.

La chute de la République syrienne est aussi la rupture de l’axe de résistance qui a vu converger l’année dernière les organisations de guérilla palestiniennes (sunnites, laïques et marxistes), la Syrie d’Assad, le Hezbollah libanais, l’Iran, les organisations politico-militaires chiites irakiennes et les Hutis yéménites. Les forces impérialistes et sionistes atlantiques ont frappé le maillon faible de cet axe composite de résistance.

Aujourd’hui, bien que la situation soit très confuse, nous pouvons dire que la Syrie se dirige vers la balkanisation. L’instabilité est la situation sociale et politique la plus propice à l’hégémonie impérialiste. Cette situation a permis à Israël de renforcer sa position et de prendre de nouveaux territoires. Les forces présentées comme libératrices par les gouvernements occidentaux ont, dans un premier temps, exigé des organisations de guérilla palestinienne qu’elles remettent leurs armes et qu’elles cessent l’aide logistique que la Syrie offrait à la résistance palestinienne et libanaise. Face aux bombardements et à l’invasion (c’est en 1975 qu’Israël est entré en Syrie), il n’y a pas eu d’action, montrant ainsi une soumission explicite aux intérêts impérialistes et sionistes.

Les contradictions du gouvernement d’Assad, ses faiblesses (maintenu debout uniquement grâce à l’armée russe), le fait qu’il soit un gouvernement d’élites bourgeoises burcratico-militaires, ne doivent pas nous faire oublier le niveau logistique qu’il a offert à la résistance palestinienne et libanaise. Nous devons donc nous demander si la chute du gouvernement Assad est un progrès ou un recul. Le vieux fascisme en Europe a eu raison du système libéral, mais ce n’est pas pour cela que le mouvement communiste l’a accueilli comme un mouvement libérateur… Nous sommes aujourd’hui face à une avancée de l’hégémonie impérialiste, et non à un affaiblissement de celle-ci. La chute de la Syrie nous donne un Israël encore plus agressif, une Turquie fasciste avec des rêves « ottomans », des gouvernements de pétrodollars plus forts, et l’Oncle Sam qui contrôle et incite à la déstabilisation.

Une véritable libération ne peut avoir lieu qu’avec les intérêts des masses populaires à sa tête. Lorsque des protestations populaires légitimes sont hégémonisées et dirigées par des forces impérialistes, nous sommes toujours confrontés à une défaite, qui permet à l’impérialisme de se renforcer, et non de s’affaiblir. Il est impératif pour nous de commencer par le rôle de la gauche marxiste panarabe, qui aujourd’hui, après la chute de la Syrie, risque de disparaître en tant que force politico-militaire. Et il nous semble encore plus cruel de constater l’excitation de la gauche occidentale face à l’affaiblissement de la resistance palestinieene e libanese, une nouvelle démonstration du rôle opportuniste et réactionnaire de la gauche au sein de l’OTAN.

Face à cette défaite, nous ne devons cependant pas oublier que les contradictions capitalistes progressent et que la résistance populaire anti-impérialiste est un phénix, et que même lorsqu’on la croit enterrée et vaincue, elle réapparaît avec plus de force et de fureur au sein de l’impérialisme.

L’ennemi intérieur

Notre travail en tant que communistes et anti-impérialistes conséquents est de placer la bourgeoisie impérialiste et monopoliste de notre pays et les structures supranationales telles que l’OTAN ou l’UE comme l’ennemi principal de notre lutte.

Nous devons combattre la gauche de l’OTAN, qui représente une force auxiliaire de l’hégémonie impérialiste, qui frappant les des masses populaires par derrière.

Mais en même temps, il faut rejeter une vision géopolitique de la concurrence mondiale, qui rejette les intérêts spécifiques des masses populaires, en présentant l’affrontement comme un problème entre États et uniquement dans le cadre du mode de production actuel,où les peuples et les classes ne sont jamais le moteur de l’histoire. Les événements en Syrie sont une nouvelle démonstration et un avertissement pour toute la gauche révolutionnaire et anti-impérialiste, nous devons mettre au centre notre indépendance et les intérêts spécifiques des masses populaires.

Nous devons nous en tenir fermement à la ligne de soutien à la lutte directe contre l’impérialisme, comme nous l’avons fait avec la résistance palestinienne, libanaise et yéménite, sans conditions ni restrictions. Soutenir la résistance populaire et anti-impérialiste lorsqu’elle se manifeste.

Nous devons donner force et organisation à notre bloc social, et en particulier au prolétariat dé-intégré, cette masse de précaires sociaux qui habitent les ceintures urbaines des métropoles impérialistes. Un bloc social attaqué économiquement et politiquement : criminalisation sociale, lois antiterroristes, racisme et islamophobie.

Défendre les espaces de viabilité politique et sociale signifie mettre au centre l’autonomie prolétarienne, la capacité d’organisation de ces secteurs (au sein des syndicats, des comités de lutte, des mouvements, etc.) et lutter contre la répression et la militarisation en tant que phénomènes des processus de guerre inter-imperialiste.

Soutenir la résistance populaire anti-impérialiste sur les fronts intérieurs et extérieurs signifie avoir un point de vue communiste. Parce que ce mode de production et ses relations sociales et politiques sont vieux et pourris. La lutte de résistance contre tout cela est pour nous une lutte pour le socialisme, pour les intérêts et le pouvoir des masses populaires.

Supernova, 2024

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