L’impérialisme comme terrorisme : décrypter la guerre permanente contre l’Afrique

L’uranium, l’or, le pétrole, ces ressources stratégiques qui ont alimenté l’impérialisme et commencent à nourrir la Résistance

« Ce qui existe en Afrique, ce n’est pas du terrorisme, c’est de l’impérialisme. Ce sont eux qui forment les terroristes. Leur objectif est de nous maintenir dans un état de guerre permanent afin que nous ne puissions pas nous développer et que nous continuions à les payer avec nos richesses. »

Ibrahim Traoré, président du Burkina Faso

Chapitre 1 : Introduction – Démasquer le discours dominant

La déclaration du président burkinabé Ibrahim Traoré est bien plus qu’une simple affirmation politique ; c’est une radiographie précise de la réalité africaine contemporaine que le discours hégémonique occidental s’efforce systématiquement de dissimuler, de déformer et de réprimer. Alors que les médias grand public, financés et contrôlés par des sociétés transnationales et des États impérialistes, répètent inlassablement des discours sur le « terrorisme islamiste » au Sahel, sur « l’instabilité endémique » du continent africain et sur la nécessité d’une « intervention humanitaire » occidentale, Traoré dévoile avec une clarté cristalline la véritable nature de ces conflits : ils ne sont pas le fruit d’un fanatisme religieux spontané ni le produit de sociétés « arriérées », mais le résultat direct et calculé de stratégies impérialistes conçues pour perpétuer le pillage et bloquer le développement souverain.

Cette affirmation ne sort pas du vide ni de la rhétorique politique conventionnelle. Elle est le fruit d’une compréhension approfondie de l’histoire coloniale et néocoloniale de l’Afrique, de l’observation directe des mécanismes par lesquels les puissances occidentales – en particulier la France, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN – maintiennent leur domination sur le continent le plus riche de la planète en ressources naturelles, en biodiversité et en potentiel humain. Elle est également le fruit de l’expérience vécue par des millions d’Africains qui ont subi des décennies d’« opérations antiterroristes » qui, paradoxalement, n’ont fait que multiplier la violence et l’insécurité tout en enrichissant les élites compradores et les entreprises étrangères.

La présente analyse se propose de développer chaque élément de l’affirmation de Traoré dans une perspective historique et géographique approfondie, en examinant les racines historiques de l’impérialisme en Afrique, les mécanismes contemporains de domination néocoloniale, le rôle de l’industrie du terrorisme dans la perpétuation de la dépendance africaine et les alternatives de libération qui émergent de la résistance populaire africaine elle-même. Tout cela dans une perspective résolument anticapitaliste et anti-impérialiste, qui reconnaît dans le système capitaliste mondial la matrice fondamentale de l’exploitation du continent africain et qui comprend qu’il ne peut y avoir de véritable libération africaine sans le dépassement du capitalisme dans ses dimensions mondiales.

En cette période historique de crise systémique du capitalisme mondial, caractérisée par des récessions économiques répétées, la résistance africaine acquiert une importance stratégique sans précédent. L’Alliance des États du Sahel (AES), formée par le Burkina Faso, le Mali et le Niger, n’est pas simplement une alliance régionale défensive, mais un projet révolutionnaire qui remet en question les fondements mêmes de l’ordre mondial capitaliste et néocolonial. Son succès ou son échec aura des implications profondes non seulement pour l’Afrique, mais aussi pour l’avenir de l’humanité tout entière.

Chapitre 2 : L’impérialisme comme continuation du colonialisme par d’autres moyens

2.1 Les racines coloniales de la domination contemporaine : de Berlin à Paris

Pour comprendre l’affirmation de Traoré, il est indispensable de remonter à la Conférence de Berlin de 1884-1885, où les puissances européennes se sont partagé l’Afrique comme un gâteau, traçant des frontières arbitraires à l’aide de règles sur des cartes, sans tenir compte des réalités ethniques, culturelles ou politiques des peuples africains. Cet acte fondateur du colonialisme moderne a établi un principe qui perdure aujourd’hui avec une actualité brutale : l’Afrique existe pour servir l’Europe, ses ressources appartiennent au capital occidental et ses peuples doivent rester subordonnés. Les frontières tracées à Berlin n’étaient ni accidentelles ni innocentes ; elles ont été délibérément conçues pour diviser des peuples unis, unir des peuples rivaux et faciliter le contrôle et l’exploitation coloniaux.

Le colonialisme direct, qui s’est prolongé jusqu’au milieu du XXe siècle, s’est caractérisé par une violence ouverte, l’esclavage de populations entières, le génocide systématique et l’exploitation brutale des ressources. Le Congo belge, où l’on estime qu’entre dix et quinze millions de personnes sont mortes sous le régime de terreur de Léopold II, en est peut-être l’exemple le plus extrême, mais ce n’est pas une exception. Chaque puissance coloniale européenne a écrit sa propre histoire d’horreur sur le continent : le massacre des Herero et des Nama par l’Allemagne en Namibie (1904-1908), considéré comme le premier génocide du XXe siècle, où 80 % de la population Herero et 50 % de la population Nama ont été exterminés ; les camps de concentration britanniques au Kenya pendant la rébellion Mau Mau (1952-1960), où plus de 100 000 Kikuyus ont été emprisonnés et systématiquement torturés ; les massacres français à Madagascar (1947), où entre 80 000 et 100 000 Malgaches ont été tués par l’armée française ; les massacres au Cameroun (1955-1971), où la France a tué entre 60 000 et 100 000 Camerounais pour maintenir sa domination ; et la guerre brutale en Algérie (1954-1962), où la France a recouru à la torture systématique, aux exécutions massives et aux camps de concentration contre le peuple algérien.

Il ne s’agit pas d’épisodes isolés de l’histoire coloniale, mais de schémas systématiques de violence qui ont jeté les bases des structures de pouvoir néocoloniales ultérieures. La brutalité coloniale n’était pas un « excès » ou une « déviation » du projet civilisateur européen, mais son essence même. Comme l’a analysé Frantz Fanon dans Les Damnés de la Terre, la violence coloniale ne détruit pas seulement des vies et des communautés, elle cherche à détruire la capacité des peuples colonisés à penser leur propre histoire, à définir leur propre avenir et à construire leur propre humanité.

Lorsque les luttes de libération nationale ont contraint les puissances coloniales à accorder officiellement l’indépendance aux colonies africaines entre les années 1950 et 1970, l’impérialisme n’a pas disparu : il a simplement changé de forme. Le néocolonialisme est apparu comme un système de domination plus sophistiqué, qui maintient le contrôle économique et politique tout en cédant la façade de la souveraineté formelle. Comme l’a souligné Kwame Nkrumah, premier président du Ghana et l’un des penseurs anti-impérialistes les plus lucides du XXe siècle : « Le néocolonialisme est la phase finale et la plus dangereuse de l’impérialisme. Pour ceux qui le pratiquent, il signifie le pouvoir sans responsabilité, et pour ceux qui le subissent, il signifie l’exploitation sans compensation ».

Nkrumah a compris que l’indépendance politique sans indépendance économique est une illusion dangereuse. Dans son ouvrage fondateur Néocolonialisme : la dernière étape de l’impérialisme (1965), il a analysé comment les puissances occidentales maintenaient leur domination sur l’Afrique grâce à des mécanismes économiques et financiers plus subtils mais tout aussi efficaces que la domination coloniale directe. Son analyse reste profondément pertinente aujourd’hui, six décennies plus tard, alors que le Burkina Faso, le Mali et le Niger mettent en œuvre le projet de libération dont Nkrumah rêvait mais qu’il n’a pas pu mener à bien en raison de l’intervention impérialiste qui a mis fin à sa vie.

Chapitre 3 : Le franc CFA : le colonialisme monétaire au XXIe siècle et la résistance de l’AES

Aucun mécanisme n’illustre mieux la continuité coloniale que le franc CFA, la monnaie que la France impose à quatorze pays africains comme condition de leur prétendue « indépendance ». Ce système monétaire colonial, qui existe sous diverses formes depuis 1945, oblige les pays africains à déposer 50 % de leurs réserves de devises auprès du Trésor français (à l’origine, ce pourcentage était de 65 %, mais il a été ramené à 50 % en 2019 sous la pression populaire), les empêche de contrôler leur propre politique monétaire, leur interdit de financer leur développement par l’émission monétaire et leur garantit des taux de change qui favorisent systématiquement la France.

Le fonctionnement du franc CFA est un mécanisme de transfert de richesse continu et systématique. Les pays africains qui utilisent le franc CFA (dans deux zones distinctes : la CFA de l’Afrique de l’Ouest et la CFA de l’Afrique centrale) sont obligés de conserver leurs réserves en France, où non seulement ils ne gagnent pas d’intérêts compétitifs, mais où la France reçoit 0,75 % de ces réserves à titre de « commission de gestion ». En outre, toute décision relative à la politique monétaire, y compris l’impression des billets et la fixation des taux d’intérêt, nécessite l’approbation de fonctionnaires français désignés au sein des banques centrales africaines. La France conserve un droit de veto sur toutes les décisions importantes.

Les effets économiques du franc CFA sont dévastateurs pour le développement africain :

Manque de crédit pour le développement : les taux d’intérêt imposés par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) sont extrêmement élevés (environ 7 à 9 %), alors qu’ils sont proches de 0 % dans la zone euro. Cela rend impossible l’accès à des crédits abordables pour les agriculteurs, les petites entreprises et les projets d’infrastructure.

Désindustrialisation forcée : la surévaluation du franc CFA (artificiellement lié à l’euro) rend les exportations africaines chères et les importations bon marché, détruisant l’industrie locale et maintenant les pays dans l’exportation de matières premières.

Transfert de richesse : on estime qu’entre 1960 et 2018, le franc CFA a permis de transférer plus de 8,5 milliards d’euros par an de l’Afrique vers la France, soit un total de plus de 500 milliards d’euros en six décennies.

Le franc CFA n’est pas simplement une monnaie : c’est un instrument de domination qui permet à la France de drainer chaque année des milliards d’euros des économies africaines. Il est la preuve vivante que l’indépendance formelle ne signifie rien sans souveraineté monétaire. Comme l’a dénoncé à plusieurs reprises l’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla, le franc CFA est « le dernier symbole visible du colonialisme français en Afrique », un système qui garantit que les pays africains travaillent à enrichir la France plutôt qu’à développer leurs propres économies.

Le président Traoré a été l’un des dirigeants africains les plus virulents dans la dénonciation de ce système. Le Burkina Faso, avec le Mali et le Niger, a pris des mesures concrètes et révolutionnaires pour sortir du franc CFA et retrouver sa souveraineté monétaire, un acte de défi direct contre le néocolonialisme français qui n’a pas été pardonné par Paris. En décembre 2023, les trois pays ont officiellement annoncé leur intention d’abandonner le franc CFA et de créer une nouvelle monnaie souveraine pour l’Alliance des États du Sahel. Ce processus implique des défis techniques complexes, mais sa signification politique est immense : il représente la reprise du contrôle sur l’un des instruments les plus fondamentaux de la souveraineté nationale.

La résistance française à cette décision a été féroce. La France a utilisé de multiples mécanismes de pression : menaces diplomatiques et économiques, campagnes médiatiques de désinformation présentant les gouvernements de l’AES comme « putschistes » et « irresponsables », pression sur d’autres pays africains pour qu’ils ne soutiennent pas le projet, et tentatives de sabotage financier par le gel des avoirs.

Cependant, la détermination des pays de la CEA a été ferme. En 2024, ils ont commencé à retirer progressivement leurs réserves de la BCEAO et à mettre en place des mécanismes alternatifs pour le commerce international et les réserves nationales. Le Burkina Faso a créé un fonds souverain pour gérer ses ressources minières et énergétiques, le Mali a conclu des accords commerciaux directs avec des alliés stratégiques en utilisant des monnaies alternatives, et le Niger a développé un système bancaire parallèle pour les transactions internationales. Ces mesures, bien qu’elles n’en soient qu’à leurs débuts, représentent une rupture historique avec la dépendance financière vis-à-vis de la France.

Chapitre 4 : La dette comme chaîne : l’impérialisme financier et les alternatives souveraines

L’impérialisme contemporain repose essentiellement sur des mécanismes financiers. La dette extérieure des pays africains, qui a atteint 1 130 milliards de dollars en 2023, n’est pas le résultat d’une mauvaise gestion africaine, mais d’un système conçu pour perpétuer la dépendance. La plupart de ces dettes sont héritées de régimes dictatoriaux imposés par l’Occident pendant la guerre froide, ou résultent de « prêts » du FMI et de la Banque mondiale conditionnés à des politiques d’ajustement structurel qui ont dévasté les économies africaines.

Le mécanisme de la dette comme instrument de domination fonctionne de manière cyclique :

1. Accumulation de la dette : les pays africains reçoivent des prêts à des conditions léonines, avec des taux d’intérêt élevés et des échéances courtes.

2. Conditionnalité néolibérale : pour recevoir les prêts, les pays doivent mettre en œuvre des politiques qui ouvrent leurs économies au capital étranger, privatisent les services publics, réduisent les dépenses sociales et libéralisent le commerce.

3. Crise de la dette : les politiques imposées entraînent une récession économique, une baisse des recettes fiscales et une incapacité à rembourser la dette.

4. Restructuration avec davantage de conditionnalités : les créanciers offrent un « allègement » en échange de nouvelles réformes néolibérales, ce qui renforce la dépendance.

5. Transfert permanent de richesse : les paiements d’intérêts et de principal dépassent largement les nouveaux prêts, créant un transfert net permanent de richesse de l’Afrique vers le Nord global.

Les programmes d’ajustement structurel imposés par ces institutions financières internationales à partir des années 1980 ont exigé des pays africains qu’ils privatisent les services publics essentiels (eau, électricité, santé, éducation), démantèlent les industries nationales qui concurrençaient les importations, suppriment les subventions à l’agriculture locale, ouvrent leurs marchés à la concurrence inégale des multinationales occidentales et réduisent brutalement les dépenses sociales dans les domaines de la santé et de l’éducation. Le résultat était prévisible mais délibéré : pauvreté massive, chômage structurel, effondrement des services publics, dépendance accrue vis-à-vis des importations occidentales et concentration extrême des richesses entre les mains d’une minorité compradore.

« La dette est une reconquête savamment organisée de l’Afrique. C’est une reconquête qui fait de chacun de nous un esclave financier. »

Thomas Sankara

Sankara a appelé à l’unité africaine pour rejeter ces dettes illégitimes, comprenant que les rembourser signifiait condamner l’Afrique à une pauvreté perpétuelle tandis que l’Occident s’enrichissait. Son analyse était prophétique et révolutionnaire, mais elle a été réduite au silence par la balle meurtrière orchestrée par les intérêts impériaux qui continuent aujourd’hui à fonctionner selon la même logique.

L’AES a pris des mesures concrètes pour briser ce cycle de dépendance à l’égard de la dette : audit de la dette pour identifier les prêts illégitimes, suspension des paiements au motif que ces ressources sont nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux de la population, création d’institutions financières souveraines telles que la Banque de développement du Sahel avec un capital initial de 500 millions de dollars, et mise en place de mécanismes de commerce direct avec des alliés stratégiques utilisant des monnaies alternatives au dollar afin de réduire la dépendance vis-à-vis du système financier occidental.

Ces initiatives sont confrontées à d’énormes défis, notamment la pression des créanciers internationaux, le sabotage financier et les contraintes techniques liées à la création d’institutions financières souveraines à partir de zéro. Elles représentent toutefois un changement de paradigme dans la relation de l’Afrique avec le système financier mondial, passant d’une dépendance forcée à la construction d’alternatives souveraines.

Chapitre 5 : La décolonisation épistémologique : rompre avec la pensée eurocentrique

Au-delà des mécanismes économiques et militaires, l’impérialisme se maintient grâce au contrôle du savoir et à la production de sens. La pensée eurocentrique domine les institutions éducatives, les médias et les structures de pouvoir en Afrique depuis le colonialisme, présentant l’histoire, la culture et le développement européens comme la norme universelle, tandis que les réalités africaines sont présentées comme des exceptions, des déviations ou des « retards ».

Cette domination épistémologique se manifeste à plusieurs niveaux : l’éducation coloniale avec des programmes importés d’Europe qui ignorent l’histoire précoloniale de l’Afrique ; la recherche extractive où les universités occidentales extraient des connaissances sans contribuer de manière significative au développement ; les médias qui présentent un récit systématiquement négatif sur l’Afrique ; et la technologie numérique dominée par des entreprises occidentales qui contrôlent l’accès à la connaissance et à la communication.

L’AES a compris que la véritable libération passe également par la décolonisation du savoir. Le Burkina Faso a engagé une réforme éducative en profondeur qui intègre l’histoire précoloniale de l’Afrique à tous les niveaux d’enseignement, encourage l’étude des langues locales parallèlement au français, inclut des cours sur la philosophie africaine et les systèmes traditionnels de gestion des ressources, et établit des accords avec des universités de pays non occidentaux pour des échanges universitaires équitables.

Le Mali a créé un Institut panafricain de recherche qui donne la priorité aux projets de recherche appliquée visant à résoudre les problèmes locaux avec la participation de la communauté. Le Niger développe un système de communication alternatif basé sur des stations de radio communautaires et des plateformes numériques locales afin de contrer la domination des médias internationaux.

« L’histoire de l’Afrique n’a pas commencé avec l’esclavage ou le colonialisme. L’Afrique a une histoire millénaire qui a été délibérément occultée pour justifier la domination ».

Cheikh Anta Diop

La récupération de cette histoire et des systèmes de connaissances africains n’est pas un exercice académique, mais une condition préalable à la construction de sociétés souveraines et dignes.

Chapitre 6 : Le terrorisme comme produit de l’impérialisme

6.1 La généalogie du terrorisme djihadiste au Sahel : de l’Afghanistan à l’Afrique

L’affirmation centrale de Traoré — « ce sont eux qui forment les terroristes » — n’est pas une théorie du complot, mais un fait documenté par l’histoire récente. La généalogie du terrorisme djihadiste en Afrique est indissociable des interventions impérialistes, à commencer par le soutien apporté par les États-Unis et leurs alliés aux moudjahidines en Afghanistan dans les années 1980. La CIA a financé, armé et formé des islamistes radicaux pour combattre le gouvernement socialiste afghan soutenu par l’Union soviétique, créant ainsi l’infrastructure qui allait donner naissance à Al-Qaïda. Cette opération, connue sous le nom d’opération Cyclone, a établi un modèle qui allait se répéter systématiquement au cours des décennies suivantes.

En Libye, l’intervention de l’OTAN en 2011 qui a renversé Mouammar Kadhafi a détruit l’État le plus prospère d’Afrique, transformant un pays qui avait l’IDH le plus élevé du continent en un chaos de milices rivales et de cellules terroristes. Les arsenaux libyens pillés ont inondé le Sahel d’armes, et les combattants dispersés après la chute de Kadhafi ont porté le djihad vers le sud. La déstabilisation de la Libye a été le déclencheur direct de la crise sécuritaire au Mali, au Niger, au Burkina Faso et dans tout le Sahel. Selon les rapports des Nations unies, plus de 18 000 combattants étrangers et leurs familles ont quitté la Libye après 2011, beaucoup d’entre eux rejoignant des groupes djihadistes au Sahel.

En Syrie, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie ont ouvertement soutenu des groupes islamistes radicaux sous prétexte de renverser le gouvernement d’Assad. Beaucoup de ces groupes étaient affiliés ou précurseurs de l’État islamique. Les armes occidentales, la formation dispensée par la CIA dans le cadre de programmes tels que Timber Sycamore, le financement des monarchies du Golfe, tout cela a contribué à renforcer les mêmes djihadistes que l’on était censé combattre.

Lorsque l’EI a été vaincu en Syrie et en Irak, nombre de ses combattants ont migré vers l’Afrique, trouvant un terrain fertile dans les zones déstabilisées par les interventions occidentales précédentes. Un rapport du Conseil de sécurité des Nations unies publié en 2023 a révélé qu’au moins 25 commandants de haut rang de l’EI en Irak et en Syrie avaient réapparu à la tête de cellules dans le Sahel, apportant avec eux des tactiques de guerre asymétrique avancées, une propagande sophistiquée et des méthodes de financement illicites.

Ce schéma n’est pas fortuit, mais systématique : les puissances occidentales créent, renforcent, puis combattent de manière sélective des groupes terroristes afin de justifier leur intervention permanente et de maintenir leur contrôle sur les ressources stratégiques. Le terrorisme devient ainsi un instrument de politique étrangère, un outil permettant de perpétuer la domination impérialiste sous le couvert humanitaire de la « guerre contre le terrorisme ».

Les racines structurelles de la violence armée :

Une analyse véritablement anti-impérialiste doit examiner les racines structurelles : la crise climatique qui a intensifié les conflits pour les ressources ; l’échec de l’État néolibéral causé par les politiques d’ajustement structurel ; l’exploitation des ressources stratégiques qui transforme le Sahel en champ de bataille ; et les interventions militaires étrangères qui ont exacerbé les divisions et alimenté le ressentiment.

Cette analyse complexe révèle que le discours dominant sur le « terrorisme djihadiste » au Sahel est une simplification dangereuse qui sert à masquer les responsabilités impérialistes dans la création et la perpétuation des conflits armés dans la région. Comme le souligne Traoré, le terrorisme n’est pas la cause mais le symptôme d’un système impérialiste conçu pour maintenir l’Afrique dans un état de guerre permanente et de dépendance économique.

Chapitre 7 : Les bases militaires occidentales : l’infrastructure de l’impérialisme déguisée en lutte contre le terrorisme

Les États-Unis maintiennent un réseau de plus de trente bases militaires en Afrique par l’intermédiaire de leur Commandement africain (AFRICOM), créé en 2007 soi-disant pour « lutter contre le terrorisme ». Cependant, la prolifération des bases militaires américaines a coïncidé exactement avec la prolifération du terrorisme djihadiste. La plus grande base de drones américains au monde se trouve au Niger, plus précisément à la base aérienne d’Agadez, construite pour un coût de 110 millions de dollars et opérationnelle depuis 2019.

Quel est le résultat de cette présence militaire massive ? Le Niger, qui était l’un des pays les plus sûrs de la région, est aujourd’hui confronté à une grave crise sécuritaire. Selon les données de l’Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED), les incidents violents au Niger ont augmenté de 300 % entre 2018 et 2023, précisément pendant la période de présence militaire américaine la plus importante. Cette corrélation n’est pas une coïncidence, mais une causalité.

Ces bases ne sont pas là pour assurer la sécurité de l’Afrique, mais pour servir les intérêts impérialistes :

Contrôle des routes d’approvisionnement en ressources stratégiques : les bases sont stratégiquement situées à proximité de gisements d’uranium, d’or et de lithium.

Surveillance et confinement de la Chine : elles servent de plateformes de surveillance pour contrôler les activités chinoises et dissuader son expansion géopolitique.

Sécurité du complexe militaro-industriel : les opérations militaires en Afrique génèrent des milliards de dollars de contrats pour les entreprises de défense.

Maintien de l’hégémonie mondiale : la présence militaire permanente renforce le statut des États-Unis en tant que puissance hégémonique mondiale.

La France, quant à elle, a maintenu pendant des décennies un réseau de bases militaires dans ses anciennes colonies du Sahel dans le cadre de la « Françafrique ». L’opération Barkhane (2014-2022), prétendument antiterroriste, a mobilisé jusqu’à 5 500 soldats français. Cependant, pendant cette période, le terrorisme n’a pas diminué, mais s’est développé de manière exponentielle, révélant la véritable nature de cette intervention.

De nombreux témoignages documentent des cas de collaboration directe ou indirecte entre les forces françaises et des groupes terroristes : convois militaires transportant des terroristes présumés, frappes aériennes ciblées évitant les positions djihadistes connues, transmission d’informations de renseignement à des groupes terroristes et protection des routes de trafic de drogue et d’armes.

L’expulsion des troupes françaises du Mali (2022), du Burkina Faso (2023) et du Niger (2024) reflète un rejet d’un système de domination néocoloniale qui utilise le terrorisme comme prétexte pour maintenir le contrôle sur les ressources et les territoires.

« Nous ne pouvons pas construire notre avenir avec des bases militaires étrangères sur notre territoire. Chaque base militaire est une atteinte à notre souveraineté nationale. »

Ibrahim Traoré

Les bases militaires occidentales en Afrique sont, par essence, l’infrastructure physique de l’impérialisme moderne. Tant qu’elles existeront, l’Afrique ne pourra pas atteindre une véritable souveraineté ni se développer en paix. La lutte pour la démilitarisation de l’Afrique et l’élimination des bases étrangères est donc une condition indispensable à la libération du continent.

Chapitre 8 : La guerre permanente comme stratégie de sous-développement

8.1 Destruction systématique du potentiel africain

L’affirmation de Traoré selon laquelle l’objectif impérialiste est de maintenir l’Afrique « dans une guerre permanente afin que nous ne puissions pas nous développer » révèle une compréhension profonde de l’économie politique du sous-développement. L’Afrique n’est pas pauvre par manque de ressources — c’est le continent le plus riche de la planète — mais parce que son développement représente une menace existentielle pour le système capitaliste mondial.

Une Afrique industrialisée, qui transformerait ses propres matières premières, développerait son agriculture pour nourrir sa population, construirait des infrastructures indépendantes, éduquerait ses masses et contrôlerait souverainement ses ressources, cesserait d’être la source de surexploitation qui alimente le bien-être occidental. C’est pourquoi le développement africain doit être systématiquement saboté.

La guerre permanente remplit cette fonction :

Destruction des infrastructures : les guerres détruisent les routes, les hôpitaux, les écoles et les usines industrielles qui ont pris des décennies à construire.

Détournement des ressources vers les dépenses militaires : des pays comme le Burkina Faso et le Mali consacrent entre 8 et 12 % de leur budget national à la défense.

Création de réfugiés : les conflits ont généré plus de 3 millions de déplacés au cours de la dernière décennie.

Investissement impossible : l’insécurité permanente rend impossible toute planification économique à long terme.

Justification de l’intervention : elle sert de prétexte pour maintenir des bases militaires étrangères.

8.2 Étude de cas : le Burkina Faso sous Thomas Sankara (1983-1987) contre l’impérialisme (1987-2022)

Aucun exemple n’illustre mieux la différence entre le développement souverain et le sous-développement impérialiste que la comparaison entre les quatre années du gouvernement révolutionnaire de Thomas Sankara et les 35 années suivantes de régimes néocoloniaux.

Sous Thomas Sankara (1983-1987) : en quatre ans, le Burkina Faso est passé de l’importation de 75 % de sa nourriture à une quasi-autosuffisance. 2,5 millions d’enfants ont été vaccinés. Le taux d’alphabétisation est passé de 13 % à 73 %. Des centaines de centres de santé ruraux et des milliers d’écoles ont été construits. Les ressources minières ont été nationalisées et le paiement de la dette extérieure illégitime a été refusé.

Sous les régimes néocoloniaux (1987-2022) : Après l’assassinat de Sankara orchestré par la France, le Burkina Faso est revenu à importer plus de 60 % de sa nourriture. La mortalité infantile a augmenté de 40 %. Le taux d’alphabétisation est tombé à 28 %. Les ressources minières ont été privatisées et cédées à des sociétés étrangères. Le Burkina Faso a accumulé une dette extérieure de plus de 4 milliards de dollars.

La comparaison est éloquente : en quatre ans de révolution populaire, le Burkina Faso a réalisé plus de progrès qu’en 35 ans de gouvernements néocoloniaux. Cela montre que le sous-développement africain n’est pas inévitable, mais le résultat délibéré de politiques impérialistes qui détruisent les alternatives souveraines.

8.3 Le pillage « légal » : traités commerciaux et multinationales minières

Alors que l’Afrique est plongée dans des conflits, les multinationales occidentales exploitent tranquillement les ressources du continent grâce à des contrats léonins. La République démocratique du Congo, l’un des pays les plus riches en minerais stratégiques, est également l’un des plus pauvres en termes de développement humain. Ce n’est pas un paradoxe : c’est le résultat logique d’un système où les multinationales extraient des milliards de dollars en ne versant que des redevances dérisoires.

Les sociétés minières occidentales opèrent en Afrique avec des contrats qui, dans n’importe quel pays développé, seraient considérés comme ouvertement abusifs : redevances extrêmement faibles (3 à 5 % contre 20 à 30 % dans d’autres pays), exonérations fiscales généreuses, clauses de stabilité interdisant toute modification de la législation, double comptabilité et tribunaux d’arbitrage internationaux qui statuent systématiquement contre les États africains.

Au Burkina Faso, les sociétés minières canadiennes extraient plus de 60 tonnes d’or par an (d’une valeur de plus de 3,5 milliards de dollars), mais paient moins de 5 % de redevances et contribuent à moins de 1 % du PIB national.

Sous le gouvernement de Traoré, le Burkina Faso a commencé à revoir ces contrats miniers, exigeant une augmentation des redevances à 15-20 %, un investissement obligatoire de 20 % des bénéfices dans le développement local, un transfert de technologie, une restauration environnementale obligatoire et une participation de l’État à hauteur de 30 % dans toutes les opérations minières.

Cette politique révolutionnaire ouvre la voie à une véritable souveraineté économique. Ce n’est pas un hasard si elle coïncide avec une recrudescence des menaces terroristes : l’impérialisme ne tolère pas la désobéissance et utilise le terrorisme comme une arme pour punir ceux qui défient sa domination.

Chapitre 9 : Eurocentrisme et racisme : les justifications idéologiques de l’impérialisme contemporain

L’impérialisme a besoin de justifications idéologiques pour se légitimer. L’eurocentrisme — l’idée que l’Europe représente la civilisation supérieure tandis que l’Afrique est le continent du retard — remplit cette fonction. Les médias occidentaux présentent systématiquement l’Afrique comme un continent de famines, de dictateurs, de corruption et de violence tribale, ignorant que ces conditions sont précisément le produit de l’impérialisme.

Le racisme structure tout le discours impérialiste contemporain :

Langage médiatique : lorsque les puissances occidentales bombardent des pays africains, on parle d’« intervention humanitaire », mais lorsque les Africains résistent, on parle de « terrorisme ».

Production académique : le monde universitaire occidental produit des connaissances sur l’Afrique qui renforcent les stéréotypes coloniaux.

Aide humanitaire : le système d’aide perpétue le discours selon lequel l’Afrique est un continent dépendant qui a besoin d’être « sauvé ».

Système de bourses : conçu pour attirer les « meilleurs cerveaux » africains vers l’Occident (fuite des cerveaux).

Ce double standard raciste est essentiel pour maintenir le consensus idéologique qui permet la poursuite de l’impérialisme. Comme l’a analysé Frantz Fanon, le racisme n’est pas un préjugé individuel, mais un système de domination qui justifie l’exploitation coloniale et néocoloniale.

La résistance à ce racisme systémique nécessite non seulement de dénoncer ses manifestations, mais aussi de construire des alternatives épistémologiques et culturelles qui mettent l’accent sur les expériences, les connaissances et les perspectives africaines.

« Nous n’accepterons pas d’être définis de l’extérieur. Nous sommes Africains, nous avons notre histoire, notre culture, nos valeurs. Notre développement doit partir de nos réalités, et non de modèles importés qui nous maintiennent dans un état de subordination. »

Ibrahim Traoré

Chapitre 10 : Payer avec nos richesses : l’économie du pillage et les alternatives souveraines

10.1 Le transfert net de richesse : de l’Afrique vers l’Occident

Contrairement au discours dominant qui présente « l’aide au développement » occidentale comme un acte de générosité, les flux financiers entre l’Afrique et l’Occident révèlent une réalité opposée : l’Afrique subventionne massivement l’Occident. Une étude réalisée en 2017 par Global Justice Now a quantifié que pour chaque dollar d’aide reçu par l’Afrique, le continent perd 14 dollars en flux financiers illicites, évasion fiscale des multinationales, rapatriement des bénéfices, paiements de la dette et termes de l’échange inégaux.

Entre 1970 et 2018, l’Afrique a transféré vers l’Occident environ 1 350 milliards de dollars nets. Cela signifie que loin d’être un continent dépendant de l’aide extérieure, l’Afrique est un contributeur net au développement occidental. Le niveau de vie en Europe et aux États-Unis est en grande partie soutenu par le pillage continu des ressources africaines à des prix artificiellement bas.

Ces flux de richesse sont structurels au capitalisme mondial :

Termes de l’échange inégaux : l’Afrique exporte des matières premières bon marché et importe des produits manufacturés coûteux.

Évasion fiscale des entreprises : l’Afrique perd plus de 40 milliards de dollars par an à cause de l’évasion fiscale.

Dette extérieure : les paiements dépassent largement l’aide reçue.

Fuite des capitaux : des milliards de dollars quittent illégalement l’Afrique chaque année.

Cependant, les nouvelles dynamiques géopolitiques modifient ces flux traditionnels. L’AES a mis en œuvre des politiques révolutionnaires : contrôle étatique des ressources stratégiques avec nationalisation des mines et renégociation des contrats ; commerce Sud-Sud avec la Chine, la Russie, l’Inde et la Turquie ; Banque de développement du Sahel avec un capital initial de 500 millions de dollars ; et monnaie souveraine qui remplacera le franc CFA.

10.2 Les ressources qui ont alimenté l’impérialisme et commencent à nourrir la résistance

Le Niger produit environ 5 % de l’uranium mondial, et la France obtient 30 % de l’uranium qui alimente ses centrales nucléaires à partir des mines nigériennes. Cependant, le Niger fait partie des pays qui ont le moins accès à l’électricité dans le monde, avec seulement 19 % de sa population connectée au réseau électrique. Ce paradoxe obscène résume parfaitement la logique de l’impérialisme.

Les mines d’uranium d’Arlit et d’Akokan, exploitées par la société française Orano, ont généré plus de 30 milliards de dollars de bénéfices pour la France depuis 1971, tandis que les communautés locales souffrent d’une grave contamination radioactive, d’un manque d’eau potable et d’une pauvreté extrême.

Le Burkina Faso et le Mali sont d’importants producteurs d’or. En 2024, le Burkina Faso est devenu le quatrième producteur d’or d’Afrique, avec une production de plus de 70 tonnes par an. Cependant, ses populations vivent dans la pauvreté tandis que les sociétés minières étrangères extraient des milliers de tonnes de ce métal précieux en ne versant que des redevances dérisoires.

L’AES a commencé à inverser cette logique extractiviste : le Niger a renégocié tous les contrats d’uranium en exigeant des redevances de 15 % et des investissements dans des centrales nucléaires à usage domestique ; le Burkina Faso a temporairement nationalisé trois mines d’or et créé une raffinerie d’État ; le Mali a imposé une taxe spéciale de 25 % sur les exportations d’or.

Ces politiques ont suscité une résistance farouche de la part des entreprises occidentales et de leurs gouvernements. Cependant, la détermination des pays de l’AES a été ferme, car ils ont compris que sans contrôle sur leurs ressources naturelles, aucun développement souverain ne serait possible.

Chapitre 11 : Le rôle de la Chine en Afrique : coopération Sud-Sud ou impérialisme ?

Il serait simpliste de présenter l’impérialisme comme un phénomène uniquement occidental. La Chine, deuxième économie mondiale et puissance émergente, a massivement étendu sa présence en Afrique grâce à des investissements dans les infrastructures, le commerce et les prêts. Entre 2000 et 2023, le commerce entre la Chine et l’Afrique est passé de 10 milliards de dollars à plus de 280 milliards, faisant de la Chine le principal partenaire commercial de l’Afrique.

Certains analystes occidentaux parlent d’« impérialisme chinois ». Cependant, la relation de la Chine avec l’Afrique est qualitativement différente de celle de l’Occident sur des aspects importants :

Différences clés avec l’impérialisme occidental :

Infrastructures vs extraction : la Chine a donné la priorité à la construction d’infrastructures tangibles. Au cours des 20 dernières années, la Chine a construit plus de 6 000 kilomètres de voies ferrées et 150 000 kilomètres de routes en Afrique.

Pas de conditions politiques : contrairement au FMI et à la Banque mondiale, la Chine n’exige pas de privatisations ou de changements dans les systèmes politiques.

Transfert de technologie : les projets chinois comprennent généralement une formation locale et un transfert progressif de technologie.

Commerce plus équilibré : la Chine n’achète pas seulement des ressources, elle vend également des produits manufacturés africains sur son marché de masse.

Cela ne signifie pas que la Chine soit altruiste — elle poursuit ses propres intérêts économiques et géopolitiques — mais son modèle d’engagement ne repose pas sur le pillage violent direct qui caractérise l’impérialisme occidental.

Au Sahel, la Chine a intensifié sa coopération : au Burkina Faso, elle construit une raffinerie d’or et un hôpital universitaire ; au Mali, elle a financé un pont sur le fleuve Niger et un système d’irrigation ; au Niger, elle développe une centrale solaire de 100 MW et un système de télécommunications national.

La coopération militaire s’est également développée. La Chine a fourni des équipements non létaux aux armées de la CEDEAO, ainsi qu’une formation en matière de maintenance et d’opérations logistiques. Contrairement à l’Occident, la Chine n’insiste pas sur la présence de troupes ou de bases militaires permanentes.

« L’Occident nous offrait une « aide » avec des chaînes ; la Chine nous offre des affaires avec des poignées de main. Nous préférons les affaires. »

Diplomate africain anonyme

Chapitre 12 : Le rôle de la Russie au Sahel : de Wagner à l’État russe et la lutte pour la souveraineté

La présence russe au Sahel a considérablement évolué depuis l’irruption du groupe Wagner en 2018 jusqu’à la coopération directe actuelle entre les États. Cette évolution reflète les changements géopolitiques mondiaux et les stratégies des pays du Sahel visant à diversifier leurs alliés et à réduire leur dépendance vis-à-vis de l’Occident.

La période Wagner (2018-2023)

Le groupe Wagner, une entreprise militaire privée liée à l’État russe, est entré dans le Sahel en profitant du vide laissé par le retrait partiel des forces françaises. Wagner a offert des services de sécurité en échange d’un accès aux ressources minières et aux bases stratégiques. Le Mali a été le premier pays où Wagner est entré en 2021, remplaçant progressivement les forces françaises.

Les opérations de Wagner ont été controversées : il a été accusé d’abus contre des civils, d’exécutions sommaires et de pillage de ressources. Cependant, dans de nombreux cas, Wagner a réussi à stabiliser des zones qui échappaient au contrôle de l’État depuis des années.

Transition vers une coopération étatique russe (2023-présent)

Après la mort de Yevgeny Prigozhin en 2023, la Russie a opté pour une stratégie plus institutionnelle : accords militaires directs fournissant des équipements et des formations ; coopération économique pour le développement des infrastructures énergétiques et minières ; échanges éducatifs et culturels avec des bourses et des programmes de formation technique.

La perspective russe sur le Sahel :

Souveraineté nationale : la Russie respecte publiquement la souveraineté des pays africains.

Multipolarité : la Russie considère l’Afrique comme un allié naturel dans la construction d’un monde multipolaire.

Anti-impérialisme historique : la Russie se présente comme le continuateur du soutien soviétique aux luttes de libération.

Intérêts pragmatiques : la Russie cherche à accéder à des ressources stratégiques et à des marchés pour son industrie.

L’AES apprécie cette coopération pour le respect de la souveraineté, l’efficacité militaire, le transfert de compétences et comme alternative géopolitique permettant de diversifier les alliés et de réduire la dépendance vis-à-vis de l’Occident.

« La Russie ne nous dit pas comment nous devons gouverner. Elle ne nous oblige pas à changer notre monnaie ou à privatiser nos ressources. Elle nous traite comme des partenaires égaux, pas comme des colonies. C’est ce que nous appelons le respect mutuel. »

Ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, 2025

Chapitre 13 : L’Alliance des États du Sahel : vers un ordre multipolaire et la lutte contre l’isolationnisme occidental

En septembre 2023, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont formé l’Alliance des États du Sahel (AES), une confédération qui représente la réponse africaine la plus significative à l’impérialisme français depuis des décennies. Les trois pays, tous gouvernés par des juntes militaires issues de coups d’État populaires contre des gouvernements pro-français corrompus, ont expulsé les troupes françaises, dénoncé les traités militaires et économiques coloniaux et coordonnent désormais leurs politiques en matière de souveraineté monétaire, de sécurité collective et de développement indépendant.

L’AES n’est pas simplement un pacte militaire, mais un projet politique global de libération nationale. Elle représente une tentative de retrouver l’esprit du panafricanisme révolutionnaire des années 1960-1970, en tirant les leçons des erreurs du passé mais en conservant l’objectif central : l’Afrique pour les Africains, le développement souverain, l’unité continentale.

Structure institutionnelle de l’AES

L’AES a créé une structure institutionnelle solide :

Conseil de sécurité permanent : mécanisme de coordination militaire pour les opérations conjointes et la défense collective.

Banque de développement du Sahel : institution financière souveraine dotée d’un capital initial de 500 millions de dollars.

Commission monétaire : organe chargé de concevoir la nouvelle monnaie souveraine (franc du Sahel).

Comité des ressources stratégiques : mécanisme de coordination des politiques en matière d’exploitation minière, d’énergie et de ressources naturelles.

Parlement panafricain du Sahel : organe législatif en cours de formation qui représentera les peuples des trois pays.

Réponse à l’isolationnisme occidental

Après la création de l’AES, la France, les États-Unis et l’Union européenne ont mis en œuvre une politique d’isolement : sanctions économiques avec gel des avoirs, pression diplomatique au sein des organisations internationales et guerre médiatique présentant les gouvernements comme des « dictatures militaires ».

L’AES a répondu par : la diversification des alliances en établissant des relations avec la Chine, la Russie, l’Inde et la Turquie ; une intégration régionale profonde en développant des infrastructures transfrontalières ; une économie de résistance avec des programmes d’autosuffisance alimentaire ; et une diplomatie de solidarité au sein de l’Union africaine et d’autres forums internationaux.

Vision d’avenir

Court terme (2025-2027) : consolidation de la sécurité intérieure et mise en place d’une monnaie souveraine.

Moyen terme (2028-2035) : intégration économique profonde et développement des infrastructures énergétiques régionales.

Long terme (2035+) : extension de l’alliance à d’autres pays africains et construction d’une fédération politique et économique.

« Nous ne demandons la permission à personne pour nous libérer. Nos ancêtres nous ont légué des valeurs de dignité, de courage et de résistance. Nous revendiquons notre souveraineté totale — politique, économique, culturelle, militaire. Nous n’accepterons la tutelle d’aucune puissance étrangère. »

Ibrahim Traoré

Chapitre 14 : Vers la deuxième libération de l’Afrique : leçons historiques et perspectives révolutionnaires

14.1 Pourquoi les premières indépendances ont-elles échoué ?

Les indépendances africaines des années 1950-1970 ont conquis la souveraineté formelle, mais ont échoué à établir une véritable indépendance économique. De multiples facteurs expliquent cet échec : la fragmentation du continent en 54 États ; la persistance des structures économiques coloniales ; la corruption des élites africaines ; et la répression brutale de l’Occident contre tout dirigeant qui tentait un développement véritablement indépendant.

Patrice Lumumba (Congo), Kwame Nkrumah (Ghana), Ahmed Sékou Touré (Guinée), Modibo Keïta (Mali), Thomas Sankara (Burkina Faso), Mouammar Kadhafi (Libye) : tous ces dirigeants qui ont défié l’impérialisme ont été renversés ou assassinés avec la complicité directe des puissances occidentales.

Leçons clés pour la deuxième libération :

Unité continentale : la fragmentation était une stratégie délibérée. La libération nécessite une unité à l’échelle continentale.

Contrôle souverain des ressources : sans contrôle sur les ressources naturelles, aucune souveraineté n’est possible.

Autosuffisance alimentaire : la dépendance alimentaire est une arme impérialiste.

Éducation décolonisée : les systèmes éducatifs doivent se libérer de la pensée eurocentrique.

Défense collective : sans capacité de défense propre, la souveraineté est illusoire.

Monnaie souveraine : le contrôle monétaire est la base de la souveraineté économique.

Diplomatie de solidarité : l’Afrique doit construire des alliances avec d’autres peuples du Sud global.

14.2 L’AES et la mise en application des leçons

L’AES a tiré de nombreuses leçons : elle incarne l’unité régionale en action ; elle renégocie les contrats miniers ; elle met en œuvre des programmes de sécurité alimentaire ; elle réforme l’éducation afin de décoloniser les programmes scolaires ; elle renforce les capacités de défense autonomes ; elle abandonne le franc CFA ; et elle établit des alliances avec de nombreux pays du Sud.

Cependant, elle doit éviter les erreurs historiques : la corruption interne qui peut corrompre les processus révolutionnaires ; le culte de la personnalité qui affaiblit les institutions ; l’isolement international ; et l’absence d’une base sociale large garantissant la participation populaire.

« La liberté n’est pas un don, c’est une conquête ».

Amílcar Cabral

Chapitre 15 : L’importance stratégique du Sahel dans la nouvelle géopolitique mondiale

Le Sahel n’est pas simplement une région périphérique en conflit ; c’est un espace géopolitique d’importance stratégique mondiale pour de multiples raisons.

Ressources stratégiques

Le Sahel abrite certaines des ressources les plus importantes pour l’économie mondiale du XXIe siècle : l’uranium (le Niger possède les sixièmes réserves mondiales) ; l’or (le Burkina Faso et le Mali sont de grands producteurs) ; le lithium (des réserves massives encore inexploitées) ; le cuivre et le cobalt (essentiels pour la transition énergétique) ; et les terres rares (indispensables pour les technologies de pointe).

Ce « trésor géologique » fait du Sahel un champ de bataille pour le contrôle des ressources de l’avenir. Les puissances mondiales se disputent l’accès et le contrôle, mais les pays de l’AES sont déterminés à faire en sorte que ces ressources profitent à leurs populations.

Situation géographique stratégique

Le Sahel est un corridor crucial : pont entre le nord et le sud de l’Afrique, carrefour entre l’Atlantique et l’océan Indien, et région d’influence sur le Maghreb, la Corne de l’Afrique et l’Afrique occidentale. Cette situation offre des opportunités pour se positionner comme centre logistique et commercial dans un monde multipolaire.

Nouvelles dynamiques géopolitiques

Le monde évolue vers un ordre multipolaire. Ce changement ouvre des marges de manœuvre à l’Afrique : diversifier ses alliances, jouer les puissances rivales les unes contre les autres, explorer des modèles de développement alternatifs et construire son autonomie stratégique.

Opportunités historiques :

Transition énergétique : l’Afrique possède le plus grand potentiel solaire au monde et peut mener sa propre transition énergétique.

Réindustrialisation : la démondialisation crée des opportunités pour la réindustrialisation africaine.

Réforme financière : recherche d’alternatives au dollar et création de banques de développement non occidentales.

Nouveaux espaces diplomatiques : les BRICS+ et d’autres organismes offrent des alternatives aux institutions occidentales.

« La lutte pour la libération de l’Afrique est la lutte la plus noble qu’un Africain puisse mener. »

Thomas Sankara

Chapitre 16 : La solidarité internationaliste : un impératif stratégique pour la libération mondiale

La lutte des pays du Sahel pour leur souveraineté ne peut être comprise isolément ; elle s’inscrit dans le cadre d’une lutte mondiale contre l’impérialisme et le capitalisme. La solidarité internationaliste avec l’AES n’est ni de la charité ni du romantisme révolutionnaire ; c’est un impératif stratégique pour tous les peuples qui luttent pour leur libération.

Dimensions de la solidarité internationaliste

Solidarité politique : pression diplomatique sur les gouvernements occidentaux pour qu’ils lèvent les sanctions arbitraires.

Solidarité médiatique : contrer la campagne de désinformation occidentale sur l’AES.

Solidarité économique : boycott des entreprises qui pillent les ressources du Sahel.

Solidarité académique : recherche indépendante sur la réalité du Sahel.

Solidarité des mouvements sociaux : connexion entre les mouvements du monde entier.

Leçons pour d’autres mouvements de libération

La résistance du Sahel offre des leçons précieuses : l’importance de l’unité régionale ; le rôle de l’armée dans les révolutions populaires dans des conditions spécifiques ; la nécessité d’une souveraineté à plusieurs dimensions ; et l’importance de construire des alternatives concrètes.

La solidarité comme arme stratégique

Dans le contexte actuel de crise capitaliste mondiale, la solidarité internationaliste n’est pas un luxe mais une arme stratégique. L’impérialisme repose sur la division des peuples opprimés. L’unité internationale des exploités est la seule force capable de défier le pouvoir mondial du capital.

« Le panafricanisme n’est pas une idéologie raciale ; c’est une réponse politique à une situation politique. L’unité africaine est la condition préalable à une véritable indépendance. »

Kwame Nkrumah

« Nous ne nous battons pas seulement pour le Burkina Faso, nous nous battons pour tous les peuples opprimés du monde. Notre victoire sera leur victoire ; notre libération sera la libération de tous. »

Ibrahim Traoré

Chapitre 17 : Conclusion : L’Afrique aux Africains ! La deuxième libération comme projet historique

L’Alliance des États du Sahel représente l’expression la plus concrète et la plus avancée de la résistance anti-impérialiste contemporaine en Afrique. Ce n’est pas un projet parfait ni exempt de contradictions internes, mais c’est un projet révolutionnaire qui défie directement la matrice du pouvoir colonial et néocolonial sur le continent.

La déclaration d’Ibrahim Traoré — « Ce qu’il y a en Afrique, ce n’est pas du terrorisme, c’est de l’impérialisme. Ce sont eux qui forment les terroristes. Leur objectif est de nous maintenir dans une guerre permanente afin que nous ne puissions pas nous développer et que nous continuions à les payer avec nos richesses » — est bien plus qu’une dénonciation ; c’est un programme d’action révolutionnaire.

Reconnaître que le terrorisme au Sahel est un symptôme de l’impérialisme, et non sa cause, est la première étape pour le combattre efficacement. La deuxième étape consiste à organiser la résistance populaire, à construire des institutions souveraines et à revendiquer le contrôle des ressources, du territoire et du destin historique.

L’Afrique n’a pas besoin de plus d’« interventions humanitaires », d’« aide au développement » ou de bases militaires étrangères. L’Afrique a besoin et exige une souveraineté totale, le contrôle de ses ressources, la liberté de choisir sa propre voie de développement et la solidarité — et non la domination — des autres peuples du monde. L’AES représente une étape cruciale dans cette direction, mais ce n’est que le début d’un processus beaucoup plus large.

L’avenir de l’Afrique sera écrit par les Africains, et non par les puissances étrangères. La deuxième libération du continent, la libération économique qui complètera la libération politique formelle des années 1960, est en marche. L’impérialisme résistera de toutes ses forces – violence militaire, sabotage économique, propagande médiatique, terrorisme fabriqué – mais l’histoire est du côté des peuples, et non des oppresseurs.

Pour les peuples du monde qui luttent contre l’impérialisme et le capitalisme, la résistance africaine est une source d’inspiration et une leçon. Elle montre que même les pays les plus pauvres et les plus faibles en apparence peuvent défier les puissances impériales lorsqu’ils ont une orientation politique claire, le soutien populaire et la détermination d’être libres.

« Il ne peut y avoir de salut pour notre peuple en dehors de notre engagement total dans la cause de la libération de l’Afrique. »

Thomas Sankara

Cela reste la tâche historique du moment. L’AES a repris le flambeau de cette lutte et l’a portée à un nouveau niveau. Son succès n’est pas garanti, mais son exemple a déjà inspiré des millions d’Africains à croire à nouveau en la possibilité d’une Afrique véritablement libre et souveraine.

L’Afrique aux Africains !

Mort à l’impérialisme !

Vive la révolution panafricaine !

Vive l’Alliance des États du Sahel !

Alassane Griot

Aller à la barre d’outils