Après avoir repoussé l’inévitable pendant de nombreux mois, car je ne me sentais plus identifié à l’EPPK (Collectif des prisonniers politiques basques), le moment que je n’aurais jamais pensé vivre est arrivé : quitter l’EPPK, qui a été une partie très importante de ma vie militante.
J’ai grandi dans un village (Orereta) où les rues étaient constamment remplies de barricades, de balles en caoutchouc, de fumigènes… Et dans mon innocence d’alors, je ne comprenais pas tout à fait pourquoi.
Mais quand j’avais 12 ans, plus précisément le 26 juillet 1977, mon cousin Jokin Saizar Garaikoetxea, militant de l’ETA pm, a été tué. Ce coup douloureux a déclenché mon engagement dans la lutte.
Au cours des années suivantes, j’ai décidé de reprendre le flambeau de Jokin et j’ai essayé de le porter avec le plus de dignité possible, malgré mes défauts, en m’appuyant sur l’amour que je porte à notre peuple.
Jokin, dont le sang a été versé à l’âge de 20 ans, a renforcé les racines de ce chêne qui est le symbole de notre peuple, mais aujourd’hui, comme beaucoup de nos camarades tombés au combat, il est tombé dans l’oubli dans son village d’Irura. Il semble qu’il ne mérite plus d’être commémoré, même le jour de sa mort. Seuls ses proches et les personnes qui reconnaissent son engagement et son amour pour notre peuple maintiennent vivant le souvenir de Jokin et de tous les camarades tombés au combat. Ici, en prison, ils sont la lumière qui nous éclaire pour continuer sans perdre notre dignité.
Le souvenir de Jokin et de tous les camarades tombés au combat nous éclaire pour que nous restions fermes sur le chemin de la dignité en prison. Je tiens à adresser mes salutations chaleureuses aux familles des gudaris tombés au combat, Peru, Gude, Rafa, Arrantzale, Mikel et Egoitz. Ils seront toujours avec nous.
La voie empruntée par l’EPPK avec son cri « ETXERA » n’est rien d’autre qu’une politique du « sauve qui peut ». Elle ne cherche qu’à sortir de prison par tous les moyens. Cela semble dur, mais c’est la réalité quotidienne dans les prisons. Tout cela se traduit par un renoncement total à la trajectoire politique, une assimilation absolue du système carcéral (permis de sortie, travaux pénitentiaires, justice réparatrice…) et la honte de ce que l’on a été.
Un exemple de tout cela a été le communiqué de l’EPPK approuvant la non-réalisation des Ongi Etorris, acceptant ainsi que les prisonniers politiques basques retournent dans leurs villages en cachette et comme des voyous.
Leur manque d’engagement solidaire est visible dans le génocide du peuple palestinien, leur silence est tout à fait honteux, ils n’ont même pas été capables de rédiger quelques lignes de dénonciation et de soutien. Au fond, tout cela cache la peur de compromettre leur sortie de prison, la panique face aux commissions pénitentiaires et aux juges pénitentiaires.
Il est triste de constater à quel point la renonciation et l’absence de honte sont allées loin, et je fais référence aux accords conclus avec la justice espagnole, acceptant toutes sortes d’humiliations pour ne pas aller en prison, les vendant au peuple comme des victoires et la voie à suivre pour une coexistence d’assimilation et d’oppression.
Voir à quel niveau d’assimilation tout cela est arrivé donne à réfléchir. Ceux qui nient et piétinent Euskal Herria (n’oubliez pas, nous continuons à lutter) n’auraient jamais imaginé, même dans leurs rêves les plus fous, une réponse aussi faible à l’oppression qu’ils nous imposent.
Ce sont les pseudo-révolutionnaires en fauteuil qui ont poussé à la désactivation des rues. Leur engagement dans la lutte n’a jamais dépassé quatre cris dans les txoznas après avoir bu quelques kalimotxos ou parlé de révolution le ventre plein après avoir mangé au txoko. Quelqu’un sait-il ce qu’est devenue la désobéissance civile ? Il serait intéressant de mettre des affiches demandant ce qu’elle est devenue.
Il y a longtemps, un camarade m’a dit que le principal problème de notre pays était le manque de conscience de la lutte. Je ne sais pas si cette réflexion était juste ou non. La seule chose que je sais vraiment, c’est que ce camarade n’est plus de ce côté de la lutte, et qu’il se promène dans la rue en suivant la voie du « sauve qui peut ». On ne peut plus accumuler davantage de douleur.
Aujourd’hui, le mot « amnistie » est proscrit, totalement maudit, banni du vocabulaire des txokos où l’on rêvait que notre jour viendrait. Mais aujourd’hui, sa simple mention donne de l’urticaire à beaucoup de ceux qui, il y a peu, s’égosillaient en criant « PRESOAK KALERA AMINISTIA OSOA ». On dit que la vie réserve beaucoup de surprises, et on se demande si celle-ci en fait partie.
Aujourd’hui plus que jamais, le slogan « Amnistie et liberté » signifie lutte, fierté, sacrifice et générosité. Même si certains d’entre nous ne le voient pas, notre peuple verra la lumière, car si elle existe, elle sera obtenue par le biais de l’amnistie.
Je sais qu’avec ces lignes, je vais être inclus dans le club des nouveaux démons, ceux qui sont accusés d’être déconnectés de la réalité, de critiquer toutes leurs activités, de vouloir vivre debout, de ne pas renoncer à la folie qui nous a amenés de ce côté de la barricade. Ma modeste réponse à tous ces renégats est celle que j’ai lue autrefois dans le regretté EGIN : « L’esclave déteste le regard de l’homme qui lutte pour sa liberté ».
BELAR TXARRAK, ZAINAK LUZE.
INDEPENDENTZIA, SOZIALISMOA ETA AMNISTIA.
JESUS MARI ETXEBERRIA GARAIKOETXEA, EUSKAL PRESO POLITIKOA.
ZABALLAKO ESPETXEA
(10/11/2025)
