Entretien avec le secrétaire du Comité central du Parti communiste des ouvriers russe, Stepan Malentsov

Correspondant : Stepan Sergueïevitch, la guerre, ou plutôt le conflit armé à grande échelle entre la Russie et l’Occident, représenté par son instrument, l’État nazi ukrainien, dure depuis déjà trois ans et sept mois, et sa fin n’est pas en vue. Pourtant, toutes les parties déclarent vouloir et même être prêtes à conclure une paix juste. Comment expliquer que cette guerre soit devenue si « longue » ?

M.S. : L’histoire a connu des guerres qui ont duré plusieurs décennies, donc cette guerre n’est pas encore « longue ». Mais cela n’exclut pas, bien sûr, une certaine lassitude et le désir de mettre fin au conflit. Les parties déclarent, en paroles, leur volonté de conclure la paix. La question principale est de savoir à quelles conditions la paix sera conclue ou, comme le disent les « partenaires respectés », l’accord sera conclu. Quelles sont les garanties du respect de ces conditions ? Les négociations se déroulent à huis clos, les informations sont diffusées au compte-gouttes dans les médias. Cependant, il est clair que les positions des parties sont diamétralement opposées et que les contradictions sont résolues sur le champ de bataille. Avant de se poser la question de la durée de la guerre, il faut en comprendre les causes et la nature. La guerre est le résultat de la destruction de l’URSS et de la réanimation du capitalisme. Dans le même temps, les autorités ukrainiennes se sont engagées dans la voie d’un antisoviétisme primitif et de l’implantation du nationalisme. Cette politique conduit les peuples d’Ukraine vers le précipice, ce que nous constatons avec amertume. Et surtout, le principal bénéficiaire de toute cette tragédie est les États-Unis. Comme prévu dans le rapport du CC du RCRP en octobre 2023 : « Les États-Unis et leurs alliés soutiendront cette guerre aussi longtemps que possible, en jetant du bois dans le feu pour l’alimenter. C’est une affaire, un remède contre la crise, des commandes de plusieurs milliards et des revenus correspondants. C’est la lutte des États-Unis pour conserver leur hégémonie dans le monde, pour façonner le futur monde des capitaux ».

Correspondant : Peut-on considérer que la principale raison de la guerre prolongée réside dans ce que nous appelons les « bizarreries » de sa conduite par la Russie bourgeoise ?

M.S. : Le RCRP a souligné à plusieurs reprises que deux systèmes capitalistes homogènes sont impliqués dans le conflit, que les troupes de la Fédération de Russie ne sont pas en mesure de libérer les travailleurs de l’ancienne Ukraine soviétique de l’exploitation. Cependant, le pouvoir des capitalistes sous la forme d’une démocratie bourgeoise limitée, qui s’établit sur le territoire libéré, est bien meilleur que la dictature fasciste. Nous parlons des soi-disant « bizarreries », c’est-à-dire des relations commerciales ininterrompues avec l’ennemi, de la corruption dans les sphères étatique et militaire, de l’incohérence des actions, etc. Mais peut-il en être autrement dans le contexte économique actuel ? Ces « bizarreries » n’existent-elles pas en Ukraine et dans le camp de ses alliés euro-atlantiques ? Il faut plutôt chercher les raisons de la guerre prolongée, ou de la SVO, dans la politique erronée des autorités russes en 2014-2015, qui ont décidé d’apaiser leurs « partenaires respectés » par les accords de Minsk. Cela a donné le temps aux « banderovistes » de « nettoyer » l’Ukraine des dissidents, d’infecter la population d’un chauvinisme enragé et de préparer les forces armées à la guerre contre la Fédération de Russie. Et, bien sûr, la véritable essence de la position de l’impérialisme américain. Le remplacement de Biden par Trump, même si beaucoup le souhaitaient, n’a pas fondamentalement changé ni corrigé la situation. De plus, dans leur quête de l’hégémonie mondiale, les États-Unis et Israël se sont opposés à l’ensemble de la communauté internationale. C’est là la principale source du fascisme !

Correspondant : Pensez-vous que l’affirmation des autorités selon laquelle cette opération militaire a renforcé la Russie est juste ?

M.S. : Ce n’est pas si simple. Les forces armées et l’économie se sont renforcées, les cadres de l’administration publique ont été légèrement assainis, etc. Mais dans le même temps, les impérialistes ont remporté des succès gigantesques : ils ont durablement enfoncé un coin entre les peuples de la Fédération de Russie et de l’Ukraine. Et cela représente une perte considérable ! Et pour l’instant, on ne voit pas vraiment la fin.

Cor. : Comment nous, communistes, devons-nous répondre à la question que se posent les gens : « Quand cette guerre prendra-t-elle fin ? ».

M.S. : Il est impossible de donner une date précise. Elle peut se terminer à tout moment et de la manière la plus imprévisible. Les communistes doivent expliquer que tant que l’impérialisme existe, la fin de « cette guerre » n’est que le prologue de la suivante. Il faut donc aller plus loin et se poser la question suivante : « comment éliminer les causes profondes des guerres ? ». Elles sont toujours économiques, quelqu’un veut s’enrichir aux dépens d’un autre. Pour que cela devienne impossible, il faut transformer l’organisation de la société humaine en instaurant la propriété publique des moyens de production. Et disposer du produit du travail collectif dans l’intérêt de la société, et non des propriétaires privés. Le RCRP travaille à l’organisation de la lutte des travailleurs pour une telle société.

Et la tâche minimale la plus proche est de rallier toutes les forces progressistes, en premier lieu les communistes, dans la lutte contre l’impérialisme des États-Unis et de l’OTAN. Sinon, la situation qui s’est développée dans le secteur de Gaza s’étendra à d’autres régions du monde, et le tableau actuel semblera insignifiant face aux fruits mûrs de l’impérialisme.

octobre 2025

Entretien mené par Alexandre Stavitsky

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