Internet et les catégories marxistes

supernova n.7 2024

Internet, initialement développé pour des raisons militaires pendant la guerre froide, la lutte anti-communiste des États-Unis contre l’URSS, a aujourd’hui pris une importance capitale dans la vie quotidienne des gens du monde entier. Grâce à Internet, les gens travaillent, achètent, vendent, communiquent, se divertissent et occupent leur temps libre. Comment le marxisme, une théorie née au milieu des années 1800, peut-il être la clé appropriée pour comprendre internet ?

Aujourd’hui, même parmi les militants de bonne volonté, nous restons souvent soumis aux théories bourgeoises, les considérant comme nouvelles, et incapables de déchiffrer le présent à travers le prisme de la loi de la valeur.

Nous savons que ce n’est pas facile, que cela demande un effort, de l’attention et de l’analyse, mais si nous n’assumons pas cette tâche, personne ne le fera à notre place, laissant une fois de plus la l’interprétation et le décryptage du présent aux classes dominantes.

Pour cela, il faut d’abord reprendre les catégories de travail productif et improductif dans le marxisme et comprendre le lien entre la phase de production de marchandises et la phase de consommation de marchandises.

Production et consommation

De manière générale, nous pouvons définir le travail productif comme tout travail qui s’inscrit dans les cycles de production de la valeur. Le travail productif entraîne des changements dans la valeur d’usage d’une marchandise et a une valeur d’échange. Cela découle des emplois qui entraînent des variations des valeurs d’usage mais pas des variations immédiates des valeurs d’échange (par exemple, les travailleurs de l’éducation ou de la santé) et inversement, des emplois qui entraînent des variations des valeurs d’échange, mais où la marchandise ne change pas de valeur d’usage (par exemple, le commerce ou la logistique).

La catégorie du travail productif reste donc valable, mais doit être précisée dans un contexte qui varie dans le temps. Le travail improductif quand à lui est le travail qui ne conduit pas à des différences de valeur d’usage et de valeur d’échange1.

Très majoritairement, la production et la consommation ont lieu à deux moments distincts de la reproduction du capital. Les salariés produisent des marchandises qu’ils consomment ensuite. Les capitalistes (en supposant, bien sûr, qu’ils puissent être qualifiés de producteurs) “produisent” des marchandises pour leurs valeurs d’échange, mais consomment dans le même temps des matières premières et des machines/robots, objets qui devront être remplacés, améliorés, entretenus etc. …. Dans ce cas, on peut dire que pour les travailleurs, les processus de production et de consommation doivent être considérés comme différents, tandis que pour les capitalistes, la question est plus nuancée, puisque leur production se fait par la consommation de ressources et l’utilisation de machines.

Une deuxième question importante est de savoir si l’on peut établir une différence stricte entre le travail physique et le travail intellectuel2.

Ici, il faut faire abstraction du débat idéologique et parvenir à une définition assez claire. Le travail intellectuel et le travail physique doivent être tous deux considérés comme du travail en termes absolus (sans pour autant rejeter les différences évidentes). On considère toujours que pour qu’un travail soit productif (au sens large du terme que nous avons défini plus haut), il doit produire un objet qui a une valeur d’usage qui se modifie dans le processus, et une valeur d’échange (ou une potentielle valeur). Cet objet, la marchandise du travail intellectuel, c’est la connaissance.

La connaissance est un type particulier de marchandise et pour être considérée comme une marchandise, elle doit nécessairement être produite et échangée. Voyons le mécanisme.

La marchandise connaissance

La connaissance en tant que marchandise est normalement intangible, bien qu’elle soit souvent incarnée dans un support tangible (par exemple, un livre, une production audiovisuelle, un brevet, un message sur Internet, etc.)

La connaissance peut être qualifiée d’objective et de subjective. Les deux formes génériques de la connaissance doivent être produites et échangées.

La connaissance commence par une étude, une observation, une expérience. Elle commence généralement par un objet tangible tel qu’une machine, un livre, un outil informatique mais aussi une peinture, un paysage, etc…..

Au départ, la connaissance est incarnée par un objet qui est la forme d’une connaissance antérieure (par exemple un manuel a été écrit par quelqu’un qui possédait cette connaissance). Pendant le processus de transmission, cette connaissance passe d’objective à subjective dans notre esprit, c’est-à-dire qu’elle devient personnelle (la nôtre, transformée par nos connaissances antérieures). Lorsqu’elle est transmise, elle redevient objective pour le récepteur, puis redevient subjectivement différente, et ainsi de suite. Voyons comment, dans ce processus, interviennent le travail intellectuel et le travail physique.

Observer, étudier, re-travailler, échanger. Le cycle de la connaissance objective-subjective-objective

La connaissance initiale est objective. En tant que telle, nous l’absorbons et la traitons par un travail mental. Cette connaissance est injectée par le sujet (par nous), la connaissance est donc retravaillée, c’est-à-dire qu’elle change et peut être utilisée pour faire autre chose (un deuxième objet, une autre connaissance, les deux). À ce niveau, la transformation n’a pas de valeur d’échange, le processus en question ne fait pas partie du mode de production capitaliste. La connaissance qui est ainsi devenue subjective à son tour peut redevenir objective pour d’autres au moment de la transmission, après une première transformation/retraitement. En redevenant objective, elle peut devenir une valeur d’échange, mais pas nécessairement. Au cours des différentes étapes, cependant, la valeur d’usage change, à la fois lors de la transformation et de la transmission. La connaissance est bien une marchandise dont la valeur d’usage varie. En tant que telle, elle est le résultat d’un travail mental. Ce travail deviendra productif au sens strict s’il prend une valeur d’échange, mais celle-ci n’est pas encore déterminée à ce stade.

Autrement dit : la connaissance s’acquiert à partir de connaissances antérieures et elle est transformée par un travail intellectuel. Durant la transmission, la connaissance se transforme en une nouvelle connaissance différente de la précédente. Nous avons une connaissance objective (souvent tangible) qui est transformée par un travail intellectuel en une connaissance du sujet (subjective donc) qui, lors de la transmission, redevient objective, en étant tangible si elle a un support physique, intangible si elle reste une connaissance. Dans les deux cas, la transmission implique une nouvelle transformation. A ce stade, sans préjudice du changement de valeur d’usage, il est nécessaire de comprendre comment ces processus peuvent conduire à une valeur d’échange et donc comment ils peuvent être transportés dans un processus de valorisation du capital.

Il convient donc de résumer dans les grandes lignes le processus de transmission du savoir et de le renvoyer à la loi de la valeur de Marx :

1- Dans le processus initial de transformation du savoir objectif en savoir subjectif, c’est la valeur d’usage et non la valeur d’échange qui change la connaissance objective traitée par un travailleur intellectuel en une connaissance subjective.

2- Dans le processus de création de nouvelles connaissances objectives, la valeur d’usage change mais une valeur d’échange directe peut entrer en jeu (dans ce deuxième cas, le processus devient capitaliste). La connaissance subjective, traitée par un travailleur mental (avec le soutien éventuel d’un travailleur physique) devient une connaissance objective (avec le soutien éventuel d’une connaissance physique).

Pour sortir d’un discours qui peut sembler trop abstrait, essayons de l’incarner par deux exemples pratiques :

Exemple 1 : la production d’un livre

Nous avons en tête une idée (connaissance) que nous avons dérivée en d’autres idées et connaissances (de part notre expérience personnelle autobiographique). Nous les avons filtrées, retravaillées, amalgamées grâce à un travail mental et nous en avons fait un livre. Nous en avons un manuscrit (un fichier sur un appareil). Pour l’instant, il s’agit de notre savoir. À ce stade, nous voulons le transmettre. Nous décidons donc de publier le livre.

Plusieurs choix s’offrent à nous. Nous pouvons le publier en ligne sur une plateforme quelconque et le rendre gratuit à la lecture : dans ce cas, nous transmettons un savoir, celui qui le lira transformera le savoir du livre qui est entre-temps devenu un objet et donc un savoir objectif (le fichier publié). Celui qui le lira aura un savoir objectif qui deviendra subjectif pour lui puisqu’il le retravaillera en quelque sorte avec son propre travail mental. Jusqu’à présent, le capitalisme n’a rien à voir avec cela (ou presque, nous comprendrons plus tard pourquoi il a quand même un lien). Mais nous avons aussi une deuxième possibilité : envoyer le livre à une maison d’édition.

L’éditeur reçoit le manuscrit, le lit et on admet qu’il décide qu’il peut être publié. C’est à ce moment-là qu’il décide de le transformer en objet physique (le livre papier) ou en objet virtuel (il sera téléchargeable moyennant paiement sur une plateforme quelconque). Qu’elle soit tangible ou non (en fait, même si elle est virtuelle à ce stade, elle est tangible), la connaissance devient une véritable marchandise. Elle prend une valeur d’échange et entre ainsi dans un circuit capitaliste. Il est important d’établir quels sont les acteurs dans ce domaine : le travailleur mental défini comme l’auteur, l’éditeur (avec ses travailleurs, des correcteurs à ceux qui font les couvertures, à ceux qui impriment, etc. Tant que le livre n’est pas publié par l’éditeur, le capitalisme n’y est pour rien ; mais dès qu’il est publié, il y est pour quelque chose. Les différents acteurs y contribuent donc tous mais la percée décisive se fait dans la publication avec l’apparition de la valeur d’échange.

Exemple 2 : la production d’un brevet commercial

Ici le capital intervient au début du processus. Hormis la possibilité (statistiquement insignifiante) que n’importe qui puisse inventer quelque chose dans le cadre de son hobby puis déposer un brevet commercial que probablement personne ne lira ni n’utilisera jamais, la question des brevets est différente de celle de l’écriture d’un livre en ce sens que les brevets sont des connaissances produites par des travailleurs dans une entreprise (des salariés) qui produisent un objet mental qui devra avoir une utilisation directe (ou du moins empêcher que ces connaissances soient utilisées par d’autres, ce qui est essentiellement la même chose ici). Si une équipe de travailleurs (dont de nombreux travailleurs intellectuels) produit un vaccin pour une société pharmaceutique, elle le fait parce qu’elle est payée pour le faire, qu’elle reçoit une rémunération, et le brevet appartient à la société que celle-ci dépose pour son usage exclusif. Bien entendu, l’argument passe complètement si l’équipe décide de se rebeller et de publier le vaccin pour quiconque souhaite l’utiliser. Dans ce cas, le capitalisme a quelque chose à voir avec la lutte anticapitaliste.

La lutte des classes autour du savoir, de sa production, de son remaniement, de sa transmission et de son utilisation.

Dans leur vie, les hommes sont en contact avec des connaissances qu’ils retravaillent. Bien sûr, ils les retravaillent d’une manière qui est influencée par le contexte dans lequel ils vivent, par les connaissances qu’ils ont acquises précédemment, par leur être social.

La ré-élaboration est donc avant tout un processus individuel et subjectif qui peut ensuite (à plusieurs reprises) devenir un processus collectif. Le savoir, dans sa ré-élaboration et sa transmission ultérieure (capitaliste ou non), n’est donc jamais neutre. Dans un système dominé par le capitalisme, les idées compatibles avec le contexte sont évidemment au premier plan. La possibilité qu’un corpus de connaissances soit le moyen d’un mouvement révolutionnaire est donc improbable, mais en réalité pas impossible. Elle dépend de la lutte pour le savoir qui est, dans une large mesure, une lutte pour la connaissance des moyens et des modes de transmission. Le corollaire de cette prise de conscience signifie évidemment que les contenants de la connaissance en général, par exemple la science, ne sont pas non plus des contenants neutres mais portent un signe de classe sans équivoque. Les “contenants” constituent donc un champ de bataille politique.

Ayant ainsi établi la nature de la connaissance en tant que marchandise, passons à l’étude du phénomène spécifique du travail dans les réseaux mondiaux de transmission de ces types spécifiques de marchandises. Le travail sur Internet. Pour ce faire, nous devons commencer par analyser les acteurs de ce secteur.

Le développement incessant des technologies de réseau rend difficile et partiel le découpage en catégories précises de ceux qui utilisent le réseau. Procédons donc par simplification (utilisons l’abstraction selon le concept de Marx) et identifions les secteurs qui nous semblent les plus significatifs (représentatifs de l’ensemble et/ou ceux qui rendent évident le mécanisme sous-jacent au fonctionnement du réseau)

Les salariés

Les salariés travaillant dans le réseau sont ceux qui produisent une marchandise, une valeur d’usage et une valeur d’échange, c’est-à-dire qu’ils produisent de la plus-value pour les entreprises dans lesquelles ils sont employés. Ce sont des concepteurs de logiciels, des ingénieurs réseau, des concepteurs d’algorithmes, des designers, des contrôleurs de projets, des créateurs de jeux, etc.

Ils utilisent leur propre savoir et le savoir collectif du réseau en vertu d’un profit généré par l’entreprise. Ils sont des travailleurs salariés à part entière. En général, une partie de leur travail est définie comme créative, mais cela reste un travail salarié dans un régime capitaliste.

Les commerçants qui utilisent le réseau

Le réseau est fréquenté par des utilisateurs qui s’en servent comme plateforme pour vendre des produits ou pour faire de la publicité. Les travailleurs dans ce cas utilisent le réseau comme une machine mais restent en dehors du travail sur le réseau. Il peut s’agir de petits artisans, de commerçants de différentes envergures, d’agents commerciaux pour de grands capitalistes. En général, ils n’ont rien à voir avec le réseau, qui est un outil pour eux. Les grandes entreprises d’internet passent des contrats avec certains d’entre eux pour acheter et vendre des données sensibles, mais il s’agit d’accords entre capitalistes. Cependant, l’interface qu’ils utilisent comme support pour leurs affaires n’est pas neutre et dépend de la nature et de l’évolution des algorithmes de visibilité, qui font l’objet d’un marchandage.

Les agents intellectuels

On pourrait les qualifier d’utilisateurs passifs du réseau, mais cette définition ne convient pas, car les agents mentaux sont tout sauf passifs. Ils interagissent avec le réseau, ils fournissent des données sur leurs intérêts, ils fournissent du matériel qui est filtré par des algorithmes et par des personnes en chair et en os qui le réutilisent pour faire des profits. Des théories qui se sont développées ces dernières années mettent les agents mentaux dans le même sac que les véritables travailleurs du réseau. En réalité, le travail des agents mentaux ne produit aucune plus-value et n’a rien à voir avec la valeur d’échange, que leurs connaissances ne prendront qu’une fois transformées par les travailleurs du réseau.

Dans le réseau, le travail est-il créatif ?

La question du travail créatif comme caractéristique des emplois en réseau fait couler beaucoup d’encre. La sociologie du travail s’est beaucoup exprimée sur cette question. En général, il est possible que certains emplois non répétitifs apportent plus de satisfaction et moins d’aliénation que de nombreux emplois traditionnels. Mais le nombre de travailleurs qui ne subissent pas la contrainte de la nécessité de travailler n’est pas particulièrement significatif. Il n’est pas nécessaire de s’étendre sur ce point. La sociologie s’est également attardée sur d’autres aspects du travail numérisé, bien plus importants : notamment la particularisation du travail numérique. En effet, il s’agit d’un fait réel qui modifie les éléments relationnels sur le lieu de travail et qui influence directement la conscience de ceux qui travaillent.

Le travail à distance

La possibilité de travailler à distance est globalement refusée aux travailleurs manuels (car souvent impossible) mais est autorisée pour les travailleurs du savoir, les comptables, dans les organismes publics et dans la finance, etc…

Par nature, un travail à distance devrait, au moins dans un premier temps, présenter les mêmes caractéristiques qu’un travail en présentiel. Dans la pratique, les différences sont réelles. Les fonctionnaires, les professeurs qui enseignent à distance, travaillent généralement avec des plateformes fournies par leur employeur. L’utilisation de ces plateformes est payée par l’employeur, c’est-à-dire l’État. Les salariés du privé travaillent sur des plateformes fournies et payées par les entreprises.

En général, le réseau sur lequel ils travaillent ne modifie pas la nature de leur travail, qui reste le même qu’auparavant en l’absence de réseau, peu importe si le travail est historiquement considéré comme productif ou improductif. En fait, la différence réside dans la variation des paramètres par lesquels ils produisent de la valeur. Il faut donc revenir aux relations entre les différentes parties de la valeur pour comprendre ce qui change.

Les parties générales qui nous intéressent ici concernent la composition organique du capital (c’est-à-dire le développement technologique qui accompagne la production) et le taux de profit (rapport de la plus-value extraite à la dépense totale). Ce qu’il faut retenir c’est qu’en général, pour les capitalistes, il est nécessaire et indispensable pour leur survie d’augmenter la composition organique, mais que cela diminue le taux de profit si en même temps le salaire de la plus-value, c’est-à-dire l’exploitation du travail humain, n’augmente pas. Exploitation qui change avec le travail à distance, tant en ce qui concerne les rythmes et les charges de travail que par l’expulsion des travailleurs du cycle de production (on pourrait parler de chômage technologique).

La durée de la journée de travail

En général, le travail à distance, en l’absence de réglementation, tend à augmenter la durée de la journée de travail alors que le salaire est basé sur un contrat dans lequel les heures étaient bien définies. L’augmentation du temps de travail semble être une caractéristique commune aux travailleurs du secteur public et du secteur privé, bien qu’elle soit manifestement moins intense dans le secteur public. En l’absence de réglementation, le travail à distance, sous couvert de flexibilité des horaires, tend inévitablement à augmenter le rythme et la charge de travail (notamment pour ceux qui gèrent ou participent à un projet). Ainsi, le travail à distance augmente la plus-value absolue et relative. Une bonne nouvelle pour les capitalistes, une mauvaise pour les travailleurs. Mais aussi une incitation à se battre pour réduire les heures et les rythmes, ou pour augmenter les salaires.

Capital constant et composition organique dans le travail à distance

En général, la composition organique est une mesure de la relation entre le capital constant et l’investissement total – capital constant + capital variable. Pour les capitalistes, à court terme, la tendance à augmenter la composition organique est absolue. Le montant du capital constant dans la numérisation augmente ou diminue en fonction de la valeur des machines, la composition organique augmente d’autant plus que la numérisation du travail tend à expulser les travailleurs du cycle de production. Entre le capital constant (qui est une dépense) et la composition organique (qui est un rapport entre la productivité et les salaires), cette dernière augmente davantage. Par conséquent, le profit augmente, déduction faite du risque systémique (plutôt que capitaliste individuel) de surproduction. En général, l’effet de levier de la lutte sociale réside principalement dans l’influence que les luttes sociales ont sur le salaire, ce qui se reflète, souvent, dans la diminution du taux d’exploitation3 et donc dans la lutte de classe. 

F. Lechner

1 D’après Marx, seul est productif le travail qui produit du capital, alors qu’est improductif le travail qui s’échange directement contre du profit ou du salaire. « Le résultat du processus de la production capitaliste, expose-t-il, n’est donc ni un simple produit (valeur d’usage) ni une marchandise, c’est-à-dire une valeur d’usage ayant une valeur d’échange déterminée. Son résultat, son produit, c’est la création de plus-value pour le capital et, par suite, la conversion effective d’argent ou de marchandises en capital, ce qu’antérieurement au processus de la production ils ne sont que par intention. en soi par destination. Le processus de production absorbe plus de travail qu’il n’a été payé, et cette absorption, cette appropriation de travail non payé, qui s’accomplit dans le processus de la production capitaliste, en constitue le but immédiat. Car ce que le capital (et donc le capitaliste en tant que capitaliste) veut produire, ce n’est ni une valeur d’usage immédiate à des fins d’autoconsommation, ni une marchandise destinée à être convertie d’abord en argent, puis en valeur d’usage. Il a pour but l’enrichissement, la valorisation de la valeur, son accroissement, et par conséquent le maintien de l’ancienne valeur et la création de plus-value. Et ce produit spécifique du processus de la production capitaliste, il ne l’obtient que grâce à l’échange avec le travail qui, pour cette raison, est appelé productif» K. MARX, Histoire des doctrines économiques

2 En utilisant une catégorie marxiste, nous pouvons reprendre les concepts de subsomption formelle et de subsomption réelle. Subsomption formelle et réelle des activités économiques dans le capital : Le capitalisme a subsumé les activités productives qui existaient dans les modes de production antérieurs et en a créé de nouvelles ; il produit des choses qui étaient produites auparavant :nourriture, vêtements, logement, etc. et des choses qui n’étaient pas produites auparavant : radio, services de santé, transports, internet, etc. Les activités productives qui existaient déjà ont subi un processus de subsomption formelle ou de subsomption réelle.

La subsomption formelle consiste en l’absence de variation du contenu du processus de travail mais en la transformation de la relation entre le travailleur et le reste de la société . Par exemple : le paysan passe du travail de son lopin de terre pour l’autoconsommation ou au service du noble féodal, au travail pour un capitaliste ; devenant ainsi un salarié et un ouvrier agricole. Son travail, cependant, reste pour l’instant inchangé.

La subsomption réelle consiste en la transformation par le capitaliste du contenu du processus de travail : il introduit de nouveaux rythmes de travail, augmente (ou réduit) le nombre de travailleurs, les rassemble dans des entreprises, les fait travailler ensemble dans des chaînes, adopte de nouvelles machines, change ce qui est produit, etc. afin d’augmenter la valorisation du capital (d’augmenter la productivité du travail). Par exemple, dans ce cas, l’agriculteur passe d’un travail sans machines avec une utilisation réduite d’engrais et une culture non intensive etc. à un travail avec des outils modernes, l’utilisation de produits chimiques, une productivité plus élevée, moins de pauses, etc. L’organisation industrielle du travail imprègne tous les aspects de la vie sociale d’un prolétaire 24 heures sur 24. L’organisation industrielle du travail se retrouve aujourd’hui dans tous les secteurs (production, distribution, vente). Il est important de comprendre que l’organisation industrielle du travail n’est pas simplement l’usine (en tant que lieu physique de production) mais une méthodologie et une forme d’organisation du travail et de la vie sociale.

3 Ou taux de plus-value est un concept marxiste central. C’est le rapport entre le temps de travail non rémunérée (plus value) et le temps de travail rémunéré (ou capital variable)

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