Le bruit et la fureur Le «narcoterrorisme» dans l’escalade impérialiste dans les Caraïbes

con-ciencia de clase, n.8, 2025

Marco Rubio est le véritable architecte de la politique belliciste des États-Unis contre l’Amérique latine et les Caraïbes, axée principalement sur la République bolivarienne du Venezuela. Shakespeare n’a jamais été aussi actuel qu’aujourd’hui. La célèbre phrase de Macbeth – « La vie est une ombre… une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien » – semble faire référence à la situation créée par Donald Trump dans les Caraïbes. Déterminée à brouiller la réalité, l’administration républicaine a fabriqué un scénario de guerre préventive qui illumine les eaux des Caraïbes avec des chasseurs F-35 et des navires de guerre, mais obscurcit la légalité, la coopération internationale et les véritables causes du crime organisé qu’elle prétend combattre. Certains médias américains ont décrit ce scénario comme un exemple de « militarisme performatif » : un déploiement conçu moins comme une stratégie de sécurité rationnelle que comme un spectacle destiné à montrer la force et à alimenter les gros titres. Cette logique avait déjà été observée dans des villes comme Los Angeles ou Washington, où des troupes avaient été envoyées contre la volonté des autorités locales, et elle se reproduit aujourd’hui dans les Caraïbes sous le prétexte de la lutte contre le trafic de drogue. Washington a mobilisé des destroyers, un sous-marin nucléaire et des milliers de marines dans la région. Le 2 septembre, un bombardement contre un petit bateau attribué au Tren de Aragua, qui a fait 11 morts, a marqué la première action militaire directe des États-Unis en Amérique latine depuis le Panama en 1989. Sans aval multilatéral ni preuves concluantes, cet épisode présumé montre comment la rhétorique du « narcoterrorisme » — qui assimile le trafic de drogue au terrorisme mondial — est devenue un recours mortel dans la nouvelle dynamique entre guerre et souveraineté, inaugurant une période de tensions hémisphériques renforcées. Au centre de ce discours se trouve Marco Rubio, véritable architecte de l’agenda belliciste. Depuis des années, le sénateur d’origine cubaine mélange dans un même discours le trafic de drogue, le terrorisme et les régimes gênants pour les États-Unis. Sous son impulsion, les organisations criminelles ont été qualifiées de « narcoterroristes », ouvrant des brèches « légales » pour une intervention militaire et alignant la politique étrangère des États-Unis sur les secteurs les plus durs de l’émigration cubaine et vénézuélienne en Floride. Rubio a fait des Caraïbes le laboratoire de son projet : subordonner la région à Washington, affaiblir l’autonomie des États et normaliser la confrontation comme forme de relation hémisphérique. Le rôle de Donald Trump dans cet engrenage est de lui donner une dimension spectaculaire. Il a fait de la politique étrangère un scénario pour faire les gros titres : renommer symboliquement le ministère de la Défense « ministère de la Guerre », déployer des avions de chasse supersoniques au-dessus de Porto Rico, menacer d’abattre des avions vénézuéliens et offrir des récompenses de plusieurs millions de dollars pour la capture de Nicolás Maduro. Tout cela compose une mise en scène destinée à projeter une image de dureté et de contrôle, alors qu’en réalité, elle génère incertitude et déstabilisation. C’est pourquoi la presse américaine parle de « militarisme performatif ». Il ne s’agit pas d’un plan stratégique cohérent, mais d’un geste théâtral qui confond forme et efficacité : démontrer sa force pour la consommation interne, produire des images grandiloquentes et occuper l’agenda médiatique. Le Washington Post et Reuters ont souligné que ces opérations sont menées sur des bases juridiques floues, avec des preuves fragiles et des conséquences diplomatiques imprévisibles. Les répercussions dans les Caraïbes sont immédiates. La région, dont le produit intérieur brut (PIB) dépend à 30 % du tourisme, selon l’Organisation mondiale du tourisme (2024), est confrontée à une baisse de la confiance des visiteurs en raison de la présence militaire et des titres de presse faisant état de violences. Le commerce maritime, vital pour les économies insulaires comme la Jamaïque ou la Barbade, est menacé par l’interruption des routes. En outre, le détournement du trafic de drogue, comme cela s’est déjà produit dans le Pacifique en 2023, pourrait intensifier la violence dans des pays comme la République dominicaine, où les homicides liés au crime organisé ont augmenté de 15 % l’année dernière, selon l’Observatoire de la sécurité citoyenne. À Caracas, la réponse a été la mobilisation de troupes et la dénonciation d’une tentative de changement de régime, tandis que dans le reste de la région, l’inquiétude quant à l’avenir grandit. Les faucons ont mal dissimulé leurs véritables intentions. Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a déclaré à Axios que l’attaque contre le bateau soupçonné de trafic de drogue n’était que le début d’une mission plus vaste et, bien qu’il ait nié que Trump cherchait à intervenir directement au Venezuela, il a également laissé entendre que « la chute de Maduro ne les inquiéterait pas ». Ce spectacle ne laisse derrière lui ni sécurité ni justice, mais une région des Caraïbes plus fragile : prise au piège de l’agenda belliciste de Rubio, du cirque médiatique de Trump et d’un scénario qui privilégie l’image à la réalité. Une histoire racontée par des idiots, pleine de bruit et de fureur, qui ne signifie rien.

cncomunistas.org

Article publié dans La Jornada le 17 septembre 2025. Rosa Miriam Elizalde est une universitaire et journaliste cubaine, actuellement vice-présidente première de l’Union des journalistes de Cuba.

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