Going Against the Tide (USA)
Sous le capitalisme-impérialisme, les femmes sont soumises au patriarcat, au dénigrement et à la violence, du harcèlement sur leur lieu de travail aux violences domestiques infligées par un partenaire romantique ou des membres de la famille. Dans toute la société, dans tous les espaces (dans la rue, au travail, à la maison, ou à l’école), les femmes sont sujettes à des agressions sexuelles, des viols, voire des meurtres, et ce, quel que soit leur milieu socio-économique. À l’échelle mondiale, près d’une femme sur trois a subi des violences physiques et/ou sexuelles au moins une fois dans sa vie. Bien que les mouvements féministes des années 1960 et 1970 aient permis certaines avancées en matière d’égalité, comme la légalisation du droit à l’avortement ou l’accès à des carrières auparavant réservées aux hommes, les femmes restent opprimées car femmes, et sont encore loin d’être traitées comme des membres égaux des hommes dans la société. Ces victoires sur le point législatif peuvent améliorer la vie de certaines femmes, mais elles peuvent être remises en question, cela s’est déjà produit, et elles ne peuvent, à elles seules, éradiquer des siècles de pensée patriarcale.
La révocation de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême en 2022, suivie par des restrictions sur l’avortement et la contraception dans de nombreux États, est un exemple de la réaffirmation et du retour en force du pouvoir patriarcal sur le corps des femmes. En l’absence d’un mouvement révolutionnaire, les formes d’oppression “anciennes” contre les femmes, comme la prostitution, la pornographie ou l’objectification des femmes à Hollywood et dans la publicité restent incontestées.
Ces formes d’oppression ont été aggravées par l’essor des technologies numériques et des réseaux sociaux, tandis que de nouvelles formes sont apparues ces dernières décennies sous l’impulsion de la bourgeoisie technologique. La bourgeoisie est la classe qui possède tout ce dont les gens ont besoin pour survivre. Elle tire sa richesse de l’exploitation des classes sans propriété et gouverne la société par son contrôle sur toutes les grandes institutions sociales et politiques. La bourgeoisie technologique dirige l’industrie technologique mondiale et a donc une influence considérable sur les masses grâce à Internet et aux plateformes de médias sociaux. La bourgeoisie utilise cette influence pour désarmer idéologiquement les masses et les empêcher de lutter contre leur oppression.
Grâce à leurs efforts concertés, les idées bourgeoises sur l’émancipation des femmes sont devenues de plus en plus répandues, obscurcissant la réalité selon laquelle les femmes continuent d’être un groupe opprimé et que leur libération ne peut être obtenue que par une révolution communiste.
OnlyFans, une nouvelle forme d’exploitation
Des millions de femmes prolétariennes (sans propriété), immigrées ou trans n’ont d’autre choix que de recourir à la prostitution pour survivre. Exclues des parcours formels classiques pour avoir un revenu, elles risquent leur vie dans la rue, dans un monde qui les considère comme des objets jetables. En fait, les prostituées sont de 60 à 100 fois plus susceptibles d’être tuées que les non-prostituées. Plutôt que de dénoncer cette réalité, certains prétendus radicaux qui se disent partisans de la libération des femmes se contentent de promouvoir le slogan « le travail du sexe est un travail » (le travail du sexe englobant la prostitution, la pornographie, le strip-tease et d’autres activités “en présentiel” ou numériques). Au mieux, ils souhaitent « déstigmatiser » les travailleuses du sexe, au pire, ils célèbrent l’une des formes les plus pernicieuses de l’oppression des femmes. Ces promoteurs du slogan, naïfs ou alliés idéologiques de la bourgeoisie, mettent en avant l’expérience d’une petite minorité de femmes (petites-bourgeoises) qui exercent le travail du sexe sans contrainte apparente, occultant ainsi les expériences des femmes et des filles victimes de traite ou de coercition directe, ou qui, dans le désespoir, vendent l’accès sexuel à leur corps pour survivre, (coercition indirecte) souvent au risque de violences terribles et souvent au péril de leur vie.
Ces dernières années, la bourgeoisie technologique a promu de nouveaux moyens de pratiquer le travail du sexe en prétendant que marchandiser son corps est une façon de reprendre le contrôle de soi et de sa sexualité. OnlyFans est une plateforme d’abonnement payant sur internet, populaire pour l’achat et la vente de contenu pornographique. La plateforme a connu une forte hausse en 2020 en raison des pertes d’emploi et des difficultés financières survenues avec la pandémie de COVID-19. Cette technologie permet de monétiser plus facilement la sexualisation de soi et normalise l’exploitation des femmes sous couvert d’auto-entrepreneuriat.
L’idée selon laquelle le meilleur moyen pour une femme de gagner de l’argent est de vendre son image ou son corps, et que toute femme peut atteindre la liberté financière à condition d’en être « capable », est renforcée en permanence en ligne. Instagram a longtemps utilisé la sexualité et le corps des femmes pour vendre des produits via des influenceuses. Les plus riches exhibent possessions de luxe et vacances de rêve, glamourisant leur style de vie petit-bourgeois, poussant les jeunes filles à aspirer à une carrière d’influenceuse. Cela encourage les femmes à exposer leur corps pour la célébrité ou l’argent, tout en exploitant leur insécurité pour vendre des produits de beauté, de mode ou de « santé ».
La banalisation et la systématisation de l’utilisation du corps des femmes pour vendre des produits en ligne à ouvert la voie la normalisation des femmes en temps que produit elles-mêmes. Parce que OnlyFans exige de ses créatrices qu’elles se fassent connaître sur d’autres réseaux sociaux pour obtenir des abonnés, les carrières OF sont massivement promues sur Instagram et TikTok. Cette promotion inclut la glorification des styles de vie luxueux qu’elles s’offrent grâce à leur propre exploitation, et dans certains cas, l’exploitation de leurs pairs dans le commerce du sexe.
Des célébrités ont aussi grandement contribué à la popularité d’OF, mais malgré cette glamourisation et glorification mentionnées ci-dessus, la saturation de la plateforme signifie qu’il n’y a pas d’opportunités pour toutes, et que toutes les femmes n’y gagnent pas leur vie. L’actrice et mannequin Bella Thorne a battu des records sur la plateforme lorsqu’elle a gagné un million de dollars en 24 heures sur OF. Drea de Matteo, star des Sopranos, affirme que la plateforme lui a permis de sauver sa maison en remboursant son prêt hypothécaire en seulement 5 minutes. Ces femmes peuvent gagner des millions grâce à leur statut de célébrité, alors que la majorité doit cumuler d’autres sources de revenus, y compris la prostitution en personne, en plus de OF, pour joindre les deux bouts.
Pourtant le fantasme de la liberté financière persiste, et c’est la bourgeoisie technologique qui en profite le plus. Leonid Radvinsky, propriétaire d’OF, a gagné plus d’un milliard de dollars en trois ans. Peu importe ce que gagne telle ou telle créatrice, celui qui s’enrichit le plus, c’est le sordide bourgeois au sommet. Présenter OF comme un moyen pour les femmes d’acquérir leur indépendance, leur expression sexuelle, leur autonomie et leur liberté financière, voire de libération (What the fuck, vraiment ?) occulte la dure réalité que les formes traditionnelles d’exploitation des femmes perdurent. Des proxénètes utilisent OF à leur avantage, et certaines femmes sont forcées à y produire du contenu par des macs ou des partenaires violents. On vend OF comme une alternative meilleur et plus sûre comparée au travail pour une entreprise de pornographie traditionnelle ou la prostitution de rue, en physique, sous le prétexte particulièrement mis en avant d’être son propre patron, mais nombre de créatrices doivent encore se prostituer dans la rue pour subvenir à leurs besoins. Les femmes n’ont pas besoin de moyens meilleurs et plus efficaces pour être exploitées, et leur plus grande aspiration ne devrait pas être de posséder leurs propres chaînes, mais plutôt de les briser, de s’en libérer, et de dépasser complètement les relations de marchandises.
Alors, tu veux être une girlboss ?
Si tu as déjà été en ligne ou regardé la télévision, tu as certainement entendu le terme « girlboss ». Les femmes occupant des postes élevés dans la bourgeoisie, telles que les PDG et les politiciennes, sont célébrées et mises en avant comme des modèles et des représentations de l’égalité des femmes. Du point de vue bourgeois de l’émancipation des femmes, être PDG ou femme d’affaires est la plus grande aspiration qu’une femme puisse atteindre, car cela signifie qu’elle a réussi à devenir capitaliste. Les filles et les jeunes femmes appauvries sont endoctrinées par ces modèles, Internet et les médias pour aspirer à un avenir entrepreneurial. Cette idéologie convainc les gens que la seule façon de sortir de la pauvreté et d’avoir une bonne vie est de devenir un exploiteur, exploitant inévitablement d’autres femmes dans le processus. Aujourd’hui, il y a plus de femmes occupant des postes de pouvoir ou à la tête de grandes entreprises que jamais auparavant, et cela n’a pas fondamentalement amélioré la vie de la majorité des femmes. Adhérer à l’idéologie capitaliste signifie que les femmes dans cette position doivent viser le profit, peu importe comment cela peut affecter les autres, y compris d’autres femmes avec lesquelles elles peuvent partager des conditions similaires.
L’exemple le plus flagrant est Bryce Adams, l’une des plus grosses fortunes d’OF. Elle dirige une entreprise de contenus pour adultes qui emploie deux douzaines de jeunes femmes, dans un complexe à plusieurs millions de dollars, et elles produisent du contenu et parlent avec les clients sur OF pour maximiser leurs revenus en provenance de la plateforme. L’entreprise génère 10 millions par an, faisant gagner environ 30 000 dollars par jour à Bryce. Elle ne vend plus seulement son propre corps : elle exploite celui d’autres femmes. Certaines n’ont que 18 ans, attirées par la prostitution numérique pour payer leurs études ou se lancer dans leurs projets. Désormais, Adams prend le rôle d’un proxénète sous le couvert d’une entrepreneuse. Seulement peu de femmes ont atteint cet objectif capitaliste, mais cette réussite, bien qu’elle puisse apporter selon les normes bourgeoises une certaine forme de succès individuel, ne libère pas du jeu de la concurrence dans le système inégalitaire des relations marchandes entre hommes et femmes. Plutôt , le succès de ces femmes est utilisé pour convaincre la masse des autres que cette voie est un idéal à atteindre, un véritable moyen de s’en sortir.
L’industrie musicale et l’exploitation sexuelle comme empowerment
La musique, comme toute la pop culture, influence profondément les masses. Ça peut être positif, elle peut mettre en avant et permettre l’expression des luttes politiques : le hip-hop a longtemps permis de rendre visible les experiences, les aspirations, et de dénoncer la violence subie par les jeunes Noirs et Latinos dans les quartiers, de protester contre les emprisonnements de masse et la violence à laquelle ils font face dans les mains de l’état bourgeois. Mais sans surprise, ce n’est pas ce que met en avant l’industrie, qui promeut surtout les artistes masculins aux paroles misogynes et sexistes, qui glorifient les comportements violents envers les femmes et qui les objectifient. Au même titre que d’autres tendances culturelles, cela renforce l’idée que les hommes doivent dominer les femmes et les utiliser comme objets sexuels pour être considérés virils, des exemples de réussite masculine notamment aux yeux des autres hommes. La sursaturation de rappeurs masculins véhiculant des opinions misogynes sur les femmes a, de manière compréhensible, poussé les rappeuses à remettre en question la manière dont elles étaient perçues dans le hip-hop, cherchant à renverser le scénario de la sexualisation des femmes par les hommes. Ainsi, de plus en plus de rappeuses, telles que Nicki Minaj, Cardi B et Megan Thee Stallion, placent leur sexualité au cœur de leur musique et de leur image de marque. Pour cette raison, elles sont présentées comme des figures de l’émancipation des femmes. Le fait que des rappeuses aient des paroles explicites sur elles-mêmes, leurs sexualités, et dansent de manière provocante est promu par l’industrie musicale comme une subversion de la dégradation que les femmes subissent de la part des hommes. La recherche de succès commercial pousse les artistes féminines, qui subissent de toute façon une attention constante sur leur apparence physique, à incarner une version plus sexualisée d’elles-même, car l’industrie musicale récompense celles qui se conforment à cette représentation dans un milieu extrêmement concurrentiel. Cela s’applique aux artistes féminines de tous les genres musicaux, mais particulièrement aux rappeuses noires, car les hommes constituent la majorité du public ciblé par le rap, et les dirigeants de l’industrie musicale tirent profit de la vente des fantasmes sexuels masculins. La sexualisation des rappeuses noires n’est que la dernière manifestation de la sexualisation historique des femmes noires aux États-Unis dans tous les aspects de leur vie, y compris dans la culture populaire.
Les médias les plus populaires dépeignent les femmes en répondant aux attentes du regard masculin et les présentent uniquement dans les cases jugées acceptables dans la société patriarcale. Les médias grand public présentent généralement des caricatures de femmes qui manquent de nuances, soit elles sont des femmes au foyer soumises, effacées, réprimées, soit elles sont présentées comme des bombes sexuelles, puissantes, jouissant d’une plus grande indépendance. Ces deux représentations superficielles et réductives des femmes n’existent pas seulement pour servir les hommes, mais contribuent à la fausse idée que l’autonomisation sexuelle est synonyme de libération, et cette idée a été fortement promue par les rappeuses d’aujourd’hui, constituant souvent la grande majorité des paroles et les images principales de leur travail.Le rap féminin qui utilise la sexualité des femmes comme arme principale pour libérer les femmes de l’oppression masculine a des conséquences sociales négatives pour les femmes qui consomment ces chansons et ces vidéos musicales. On apprend aux jeunes filles et on incite les femmes à se focaliser (de façon obsessionnelle) sur leur apparence physique et à rechercher ce qui est considéré comme le plus sexy du moment, voire à recourir à la chirurgie plastique, et à penser que leur valeur repose sur leur capacité à plaire aux hommes. Elle renforce également l’idée que les femmes sont des objets à vendre, en l’occurrence par les magnats des maisons de disques, et que les femmes peuvent et doivent réussir en s’exploitant elles-mêmes et en exploitant leur image. Les paroles et les thèmes qui représentent souvent une femme puissante comme quelqu’un qui prend le dessus sur les hommes et les autres femmes ne contribuent pas à améliorer les relations sociales entre les hommes et les femmes et encouragent les femmes à entrer en compétition les unes avec les autres. Les MC féminines des années 1980 jusqu’au début des années 2000, comme Queen Latifah, Missy Elliot et Lauryn Hill, rappaient sur des sujets tels que la violence à l’égard des femmes, l’objectivation de la sexualité des femmes noires et d’autres défis quotidiens de la vie des femmes, comme le harcèlement dans la rue ou les difficultés de la maternité. Nous avons besoin de plus de musique qui humanise les femmes au lieu de les réduire à l’état d’objet et qui nous donne collectivement les moyens de lutter pour notre libération.
Un modèle révolutionnaire d’émancipation des femmes
Les idées bourgeoises sur l’émancipation des femmes qui sont les plus populaires aujourd’hui, de l’autosexualisation au féminisme « girlboss », n’ont pas rapproché les femmes de la libération de leur oppression. Ces idées, qui sont enracinées dans l’individualisme, peuvent aider certaines femmes à progresser dans la société, mais ne remettent pas en question les conditions auxquelles les femmes dans leur ensemble sont confrontées chaque jour. S’il est vrai qu’historiquement, la sexualité des femmes a été réprimée et diabolisée à tort, les modèles d’émancipation sexuelle propagés par la bourgeoisie n’ont pas réellement libéré les femmes de l’oppression sociale exercée par les hommes, ni des idéaux bourgeois sur ce à quoi la féminité et la féminité devraient ressembler. Ce modèle d’émancipation sexuelle des femmes sert à normaliser l’une des formes les plus anciennes d’oppression des femmes, à savoir la vente du corps des femmes pour la satisfaction des hommes. Qu’il s’agisse de posséder ses propres chaînes ou celles des autres femmes, ces modèles d’émancipation gardent les femmes prisonnières des rapports marchands, et les obligent à jouer le même jeu qui les maintient dans l’oppression. Jouer le jeu de la bourgeoisie, c’est occulter le fait que la bourgeoisie en tant que classe est l’ennemi principal qui fait obstacle à une véritable libération des femmes. La libération des femmes ne peut être réalisée que collectivement, par le renversement de la bourgeoisie et une révolution qui non seulement met fin aux divisions de classe, mais transforme les cœurs et les esprits des gens afin qu’ils puissent, par la lutte, se débarrasser ensemble du bagage de l’ancienne société. Les femmes peuvent, et doivent, placer leurs aspirations bien au-delà de la réussite individuelle et se consacrer à la révolution mondiale. Si les femmes s’unissent aux femmes et à tous les peuples exploités et opprimés du monde, nous pouvons ouvrir la voie à un nouvel avenir où les femmes pourront enfin mener une vie épanouie et réaliser leurs aspirations sans exploitation, coercition ni violence – un avenir communiste où les femmes, les hommes et l’humanité tout entière vivront ensemble sur un pied d’égalité.
journal charting a path for communist revolution in the US 2025