Les femmes paysannes du Kenya ne veulent pas de fête, mais leur libération !

Discours prononcé à l’occasion de la Journée des femmes paysannes, le 15 octobre 2025.

Rédigé par Leon Munala

Secrétaire de l’Organisation des paysans et des paysannes

Prononcé par le camarade Karimi Wa Kagendo

Secrétaire national à l’organisation, Ligue révolutionnaire de la jeunesse

Camarades, sœurs et collègues !

Aujourd’hui, les représentants du capital mondial, dans leur palais de verre, nous invitent à faire la fête. Les Nations unies, ce grand comité chargé de gérer les affaires communes de la bourgeoisie mondiale, ont déclaré cette journée « Journée internationale des femmes rurales ».

  • Ils parleront de notre « résilience ».

  • Ils loueront notre « rôle essentiel dans l’économie ».

  • Ils tendront des microphones à quelques femmes soi-disant « couronnées de succès » et

  • Ils distribueront des t-shirts, des seaux et des paquets de semences hybrides portant leur marque.

Mais nous disons : Non !

Nous ne nous laisserons pas apaiser par des platitudes et des babioles.

Nous rejetons cette célébration qui masque notre exploitation.

Nous ne sommes pas ici pour être célébrées, nous sommes ici pour être libérées.

Examinons la réalité des femmes rurales au Kenya, non pas à travers les lunettes roses de l’ONU, mais à travers le prisme scientifique et incisif de l’analyse de classe.

Nous sommes l’épine dorsale de cette nation, mais nous sommes aussi celles qui en subissons le plus le poids. Nous cultivons la terre. Nous plantons les graines, nous récoltons le thé, le café, les fleurs qui rapportent des milliards en devises étrangères.

Mais où va cette richesse ?

Elle ne reste pas entre nos mains boursouflées. Elle alimente les coffres des multinationales : propriétaires de plantations, sociétés d’exportation, cartels agrochimiques.

Elle remplit les poches de la bourgeoisie compradore locale : propriétaires fonciers, politiciens corrompus et intermédiaires qui s’engraissent grâce à notre sueur.

Exploitation systémique

Ce n’est pas un hasard. C’est la logique même du capitalisme.

Nous ne sommes pas simplement des « femmes rurales ». Nous sommes le prolétariat des campagnes.

Nos mains sont les moyens de production.

Notre travail est la marchandise exploitée sans pitié.

Ils parlent d’« autonomisation », ce qui signifie :

Des prêts accordés par des institutions de microfinance qui nous asservissent avec des taux d’intérêt de 30 %, l’intégration dans des chaînes d’approvisionnement mondiales qui dictent le prix de notre sueur.

On nous dit d’être des « entrepreneurs » sur des parcelles d’un demi-acre de terre stérile, tandis que de vastes étendues fertiles appartiennent à des propriétaires absents, à des églises, à des politiciens corrompus et à des entreprises agricoles étrangères.

Ils parlent de « droits fonciers », tandis que les filles des combattants de la liberté Mau Mau restent sans terre.

Tandis que les terres communautaires sont accaparées, enregistrées et vendues au plus offrant.

L’héritage du colonialisme – la concentration des terres entre les mains d’une poignée de personnes – n’a pas été brisé. Il a été perfectionné par l’État néocolonial kenyan.

Qui supporte le triple fardeau de cette exploitation ?

En tant que travailleuses, notre travail est surexploité et payé quelques centimes, voire pas du tout.

En tant que femmes, le patriarcat nous oblige à effectuer toutes les tâches domestiques non rémunérées – aller chercher de l’eau, ramasser du bois, cuisiner, s’occuper des enfants et des personnes âgées – en plus de notre travail dans les champs.

En tant que paysans, nous sommes perpétuellement endettés, à la merci de marchés erratiques et de catastrophes climatiques dont nous ne sommes pas responsables.

Même la « Journée mondiale de l’alimentation » est une parodie, où les riches festoyent tandis que les pauvres croupissent dans la misère.

Fausses solutions

L’ONU et ses ONG partenaires proposent des « formations » et des « sensibilisations » pour nous apprendre à mieux supporter notre oppression, alors que nous n’avons pas besoin d’apprendre à supporter nos chaînes. Nous devons apprendre à les briser !

Appel à l’action

Alors, que faire, camarades ?

Tout d’abord, nous devons reconnaître que notre lutte n’est pas isolée.

La lutte des femmes rurales est indissociable de celle des paysans sans terre, des jeunes chômeurs de Mathare et des travailleurs exploités dans la zone franche industrielle.

Notre ennemi est le même : la classe capitaliste et son appareil d’État.

Deuxièmement, nous devons rejeter les « groupes de femmes » inoffensifs utilisés pour distribuer les fonds des donateurs et semer la division.

Nous devons nous organiser en syndicats et coopératives militants et conscients de leur classe, former des alliances avec la classe ouvrière urbaine.

Notre pouvoir ne réside pas dans le fait de mendier des droits auprès du gouverneur du comté, mais dans notre force collective :

le pouvoir de refuser de travailler, d’occuper les terres qui nous appartiennent de droit et de bloquer les routes qui transportent nos produits vers les exploiteurs.

Troisièmement, nous devons lutter pour une alternative révolutionnaire – non pas « l’inclusion » dans un système conçu pour nous exclure, mais le renversement de ce système.

À bas le gouvernement sanguinaire !

À bas les grands propriétaires terriens !

Nous exigeons :

  • La nationalisation de toutes les grandes exploitations agricoles et plantations sous le contrôle des travailleurs et des paysans

  • Une véritable réforme agraire : la redistribution gratuite des terres à ceux qui les travaillent

  • L’annulation de toutes les dettes odieuses envers les institutions de microfinance et les banques

  • La gratuité et la collectivisation des services de garde d’enfants et du travail domestique afin de libérer les femmes du double fardeau

  • La collectivisation de l’agriculture au service des besoins humains, et non du profit

Camarades,

Ils nous qualifient de « résilients » parce que nous avons survécu à leur exploitation, mais nous sommes plus que des survivants.

Nous sommes les fossoyeurs de ce système pourri, des pentes du mont Kenya aux rives du lac Victoria, des plaines arides du nord à la côte.

Nous nous unirons pour leur montrer :

Nous ne sommes pas « résilients ». Nous sommes les destructeurs des normes patriarcales et de leur mère, le capitalisme.

Transformons leur journée de célébration vide de sens en une journée de détermination révolutionnaire.

Construisons un Kenya où les femmes rurales ne sont pas des bêtes de somme, mais des architectes libres et égales d’une société socialiste.

Une société où la richesse que nous créons est détenue et contrôlée par nous, les producteurs.

L’émancipation des femmes rurales est l’émancipation de tous les opprimés.

Aluta Continua !

Komboa Wamama Mashambani !

Longue vie à l’avant-garde du CPM-K !

Plus de pouvoir aux paysans !

Libérez les femmes rurales !

cpmk.org

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