Le commandant Alexander tombe au combat, mais son exemple renaît dans le cœur du peuple.
Il est né en 1982 à Concepción, au nord du Paraguay, au sein d’une famille paysanne pauvre. Dès son enfance, Osvaldo Villalba a connu la dureté du travail rural, les sécheresses, l’abandon de l’État et la répression des communautés qui réclamaient des terres pour vivre et produire. Son histoire est marquée par le même paysage qui a façonné des milliers de Paraguayens appauvris : la montagne, les sillons et l’injustice.
Sa sœur Carmen Villalba et son beau-frère Alcides Oviedo Brítez ont fondé le groupe politique Patria Libre, qui a ensuite donné naissance à l’Armée du peuple paraguayen (EPP). C’est dans ce milieu militant qu’Osvaldo s’est formé idéologiquement, comprenant dès son plus jeune âge les racines structurelles de la pauvreté et de la violence étatique qui touchaient les paysans.
À la fin des années 1990, alors qu’il était encore adolescent, il a décidé de rejoindre le mouvement armé naissant. Il l’a fait, selon les témoignages de ses camarades, motivé par la conviction que la lutte sociale devait s’accompagner d’une organisation qui défendrait les secteurs les plus opprimés face au pouvoir économique et politique.
Entre 2001 et 2004, il a participé aux premiers entraînements et actions de l’EPP. Lorsque Carmen et Alcides ont été capturés et condamnés, Osvaldo a assumé des responsabilités plus importantes au sein du groupe. Depuis lors, il est entré dans la clandestinité, se déplaçant dans les montagnes du nord du Paraguay. Là, il a commencé à être reconnu pour sa discipline, son engagement et son sens de la justice.
Entre 2008 et 2013, il s’est imposé comme le chef opérationnel de l’EPP, coordonnant les actions à Concepción, San Pedro et Amambay. En 2013, ses camarades l’ont nommé commandant des opérations militaires, sous le pseudonyme de « Commandant Alexander ». À ce titre, Villalba a dirigé la phase d’expansion la plus importante de l’organisation et a renforcé sa structure politique et militaire.
Cependant, la réponse de l’État ne s’est pas fait attendre. À partir de 2014, le gouvernement paraguayen a intensifié la répression par le biais de la Force opérationnelle conjointe (FTC), composée de policiers et de militaires, et bénéficiant de conseils étrangers, principalement de Colombie et d’Israël. Ce que l’État a présenté comme une « guerre contre le terrorisme » s’est traduit par une politique de persécution et de harcèlement des communautés paysannes, où des dizaines de familles ont été expulsées, emprisonnées ou ont disparu sur la base d’accusations sans preuves.
Dans ce contexte, Osvaldo Villalba a continué à résister dans la clandestinité. Pour l’État paraguayen, il est devenu l’ennemi public numéro un ; pour les paysans du nord, un symbole de dignité et de rébellion.
Le 23 octobre 2022, après un affrontement avec la FTC à Cerro Guazú, dans le département d’Amambay, il a été abattu à l’âge de 39 ans. Sa mort a été officiellement présentée comme un « coup porté au terrorisme », mais pour de nombreux secteurs populaires, elle a représenté une nouvelle manifestation de la cruauté envers les paysans organisés et une perte profonde pour l’histoire de la résistance paraguayenne.
Aujourd’hui, trois ans plus tard, le nom d’Osvaldo Villalba continue d’être prononcé à voix basse dans les ranchs du nord. Autour des feux de camp où l’on partage le maté et où l’on parle de la terre, son exemple continue d’être une référence. Non pas comme une figure romantique de la lutte armée, mais comme un rappel que les inégalités qui l’ont poussé à prendre les armes persistent au Paraguay : l’accaparement des terres, la pauvreté rurale, la criminalisation des mouvements paysans et l’impunité des puissants.
L’histoire de Villalba interpelle le présent. Alors que les latifundios envahissent des communautés entières et que la répression reste la réponse de l’État, sa vie – forgée entre l’amour pour son peuple et la conviction que la dignité ne se négocie pas – conserve une actualité qui transcende la mort.
À une époque où la résistance populaire est criminalisée, se souvenir d’Osvaldo Villalba est aussi une façon de défendre le droit des peuples à s’organiser, à rêver et à lutter pour une vie plus juste.
octobre 2025
Socorro rojo-Nuestra América
