Politique des blocs et multilatéralisme

Cette présentation se divise en deux parties : la première porte sur l’anti-impérialisme comme exigence et la seconde sur l’internationalisme. Nous analyserons la dynamique actuelle du système capitaliste en crise et la réponse que nous devons construire dans une perspective internationaliste.

L’anti-impérialisme comme exigence éthique et pratique

L’impérialisme, qui a déjà été caractérisé comme la phase supérieure du capitalisme, continue de décrire les dynamiques profondes du pouvoir dans lesquelles nous évoluons, ce n’est pas un concept du passé. Depuis ses débuts, le système capitaliste a recherché la rentabilité par l’exploitation et la soumission, en s’étendant et en dépassant les frontières nationales. Aujourd’hui, le système néolibéral s’épuise et nous sommes confrontés à une nouvelle dynamique de crise dans laquelle le grand capital transnational anglo-centrique cherche à maintenir son hégémonie en passant outre tous les types de traités, d’accords et d’organisations internationales. Ce n’est pas pour rien que Henry Kissinger l’a déjà clairement indiqué : « l’empire n’est pas intéressé à participer à un système international, il aspire à être le système international ».

Au cours des dernières décennies, l’impérialisme a dissimulé son oppression derrière des termes tels que « démocratie », affaiblissant ainsi notre capacité d’analyse. Il a supprimé des termes tels que « impérialisme » et dégradé d’autres tels que « solidarité », faisant du langage un outil fondamental de sa domination. C’est pourquoi nous devons retrouver les concepts d’anti-impérialisme et d’internationalisme, qui ont aujourd’hui une importance fondamentale.

En période de crise profonde, le capitalisme utilise la guerre comme mécanisme de dynamisation, comme l’histoire l’a montré. Les formules économiques pour surmonter les crises s’épuisent, et même l’injection massive de capitaux ne peut régénérer un système qui reproduit de nouvelles crises inflationnistes et de dette.

À cela s’ajoutent d’autres éléments de déclin multiforme : la désindustrialisation, la perte de leadership technologique et commercial de l’hégémonie anglo-centrique, les fractures internes aux États-Unis ou l’externalisation constante de ses coûts par la violence et la guerre. Comme l’avait déjà averti John F. Kennedy en 1962, la domination de 95 % de la population mondiale par un petit pourcentage ne peut être obtenue qu’au prix d’un recours excessif à la violence. Le déclin de l’hégémonie anglo-centrique ne se fera pas de bonne foi, mais de manière violente, une dynamique à laquelle nous assistons chaque jour.

Pendant ce temps, dans le Sud global, le vent tourne. Des initiatives telles que les BRICS et l’Organisation de coopération de Shanghai remettent en cause l’ordre unipolaire. L’hégémonie anglo-centrique répond en intensifiant la guerre ou en créant des scénarios de guerre froide entre les blocs. Face à cette perspective de soumission, être anti-impérialiste est une exigence éthique et pratique. L’anti-impérialisme est un axe central de notre lutte, mais ce n’est pas le seul. L’autre est l’internationalisme.

La nécessité de l’internationalisme : au-delà de la multipolarité

L’internationalisme est le moteur qui doit impulsé la construction d’une nouvelle multipolarité, afin qu’elle ne se réduise pas à une simple reconfiguration de blocs hiérarchisés, reproduisant le schéma de la guerre froide, mais qu’elle soit une multilatéralité authentique et horizontale. Comme l’a souligné Deng Xiaoping, la Chine ne doit pas aspirer à devenir la nouvelle puissance hégémonique, mais plutôt à construire des relations internationales fondées sur la souveraineté, la non-agression et le dialogue, comme le reflétait l’accord de Panch Sheel de 1954.

L’internationalisme n’est pas un simple concept théorique, mais une pratique et une valeur qui va au-delà de l’« internationalisation » du capitalisme. Ce dernier a réduit l’internationalisme au silence, nous incitant à nous replier sur des luttes fragmentées, oubliant que le local et le national, bien que nécessaires à la transformation, ne sont pas suffisants. L’internationalisme nous permet d’établir une continuité entre le local et le global, en comprenant que l’agression impérialiste touche tous les niveaux et nécessite une réponse globale.

Comme cela a été souligné lors du débat, l’absence d’une vision internationaliste a permis à l’impérialisme de détruire la solidarité entre les peuples, affaiblissant ainsi les révolutions et les projets anti-impérialistes. Cela s’est manifesté par la manipulation de l’opinion publique contre des pays comme le Venezuela, le Nicaragua et l’Iran. Une perspective internationaliste nous oblige à défendre les peuples qui résistent à l’impérialisme, même si ces projets rencontrent des défis internes.

L’internationalisme, par essence, est une réponse organisée qui relie et donne de la cohésion aux luttes fragmentées. C’est le stade supérieur de la fraternité qui doit nous unir en tant que peuples. Comme l’a dit Fidel Castro, « c’est rembourser notre dette envers l’humanité », c’est une façon reconnaissante de vivre qui nous rappelle également que nous ne sommes pas seuls face à cette situation.

Sens révolutionnaire et construction de la résistance

L’internationalisme doit avoir un sens révolutionnaire qui le sous-tend. Il ne peut s’agir d’une réponse réactive, mais d’un engagement proactif en faveur de la dignité des peuples. L’impérialisme cherche constamment à créer un ennemi, à rompre les liens de coexistence, à affaiblir les institutions et à isoler. Face à cela, la résistance doit défendre sa propre identité, construire des projets communs, renforcer la souveraineté populaire et s’ouvrir à une solidarité transfrontalière.

Il est essentiel de comprendre que le nationalisme n’est pas toujours réactionnaire. Comme l’a souligné l’une des participantes, la défense de la nation peut être complémentaire à l’internationalisme. Le slogan « Pour défendre Cuba, il faut la défendre à l’extérieur » illustre cette idée selon laquelle la défense de sa propre nation est intrinsèquement liée à la défense des autres peuples.

La solidarité est une arme indispensable dans cette lutte. Le système a promu une solidarité assistancielle et anonyme qui perpétue la dépendance, et l’a traversée d’intérêts politiques, comme l’a montré le rôle de l’USAID. Nous devons retrouver sa véritable signification, qui est liée à la lutte et à une conscience de classe appelée à construire la fraternité. La solidarité internationaliste cherche à donner aux peuples les moyens de résoudre eux-mêmes leurs problèmes.

Dans le contexte actuel, il faut reconnaître que les progrès technologiques peuvent mettre entre les mains de l’internationalisme des outils utiles qui permettent, par exemple, de disposer d’une interconnexion sans précédent. Cependant, ils ne doivent pas remplacer la matérialité et la présence des luttes. Les révolutions sont des événements physiques et collectifs ; elles ne sont ni virtuelles, ni individualisées.

Nous devons également être conscients que l’orthodoxie et le purisme idéologique sont des obstacles à la convergence dans l’action. Il est nécessaire de faire un effort pour surmonter ces divisions, sans perdre l’essence de notre lutte. Nous devons tirer les leçons des erreurs du passé, telles que les ruptures au sein des Internationales, et consolider des principes tels que l’unité, la reconnaissance du capitalisme comme ennemi commun et la nécessité d’une émancipation qui ne s’épuise pas dans le monde du travail.

Des autrices telles que Nancy Fraser nous rappellent également le caractère multidimensionnel de la crise du capitalisme, qui se manifeste dans la crise des soins, la crise écologique ou la crise politique, et nous rappellent la nécessaire convergence des luttes d’émancipation, car aucune d’entre elles n’est suffisante à elle seule. Cette convergence doit avoir pour axe central l’internationalisme.

Vers une praxis transformatrice

Pour avancer, nous devons faire face à la crise du pouvoir, où règne l’accumulation de forces sans principes éthiques. Notre objectif doit être d’empêcher la masse politique de se déplacer vers la droite, en plaçant l’être humain au centre de l’action politique. Le moteur de l’internationalisme est la générosité sans limites, une caractéristique humaine qui a été essentielle à la survie de l’espèce.

Enfin, l’internationalisme doit être une praxis qui inclut la multiplicité des sujets sociaux — collectifs féministes, écologistes, indigènes et populaires — et élève leurs luttes à une vision anticapitaliste et anti-impérialiste. Il s’agit d’organiser les gens afin qu’ils puissent eux-mêmes affronter et résoudre leurs problèmes.

Les contributions des participants à la session ont montré que, même si l’hégémonie anglo-centrique s’affaiblit, la réponse que nous élaborons n’est pas sans défis. Des questions telles que le protectionnisme américain isolera-t-il le pays ou renforcera-t-il la Chine, ou l’Europe se rapprochera-t-elle des BRICS pour se libérer de sa dépendance, sont cruciales. Il est également essentiel de continuer à débattre de la question de savoir si la politique étrangère de pays comme la Chine ou la Russie comporte une composante véritablement internationaliste.

En définitive, l’économie a besoin de la politique, celle-ci a besoin de l’éthique et l’éthique a besoin du militantisme qui la rend possible. Nous devons former des militants qui favorisent l’unité, abandonnent les dogmes qui ne correspondent pas à la réalité actuelle, cultivent la sensibilité et combinent la capacité de lutte avec la tendresse.

Faisons de l’internationalisme un exercice de dignité pour tous les peuples.

printemps 2025

Frente Antiimperialista Internacionalista

frenteantiimperialista.org

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