Prostitution et lutte des classes

SUPERNOVA n.9 2025

une analyse marxiste léniniste de la prostitution, Iniciativa Comunista (espagne)

La régulation de la prostitution suppose de clouer le drapeau triomphant de la bourgeoisie sur l’arène du patriarcat et du capital. La dernière frontière légale pour s’approprier nos corps.

Nous considérons la prostitution comme une institution politique qui contribue à promouvoir et à maintenir la hiérarchie patriarcale des relations, sur la base des intérêts du capitalisme et des modes de production et de reproduction qui se produisent en son sein. Cela ne signifie pas que la prostitution soit la seule institution où le capitalisme et le patriarcat stratifient les relations pour maintenir le statu quo. Mais cela n’enlève rien à l’importance de son analyse, car il s’agit d’une institution capitaliste et patriarcale qui réglemente et contrôle (de manière formelle ou informelle) la sexualité des femmes. La prostitution représente un instrument politique qui normalise les relations sexe-affectives, qui réglemente et idéologise la construction du désir et des relations entre hommes et femmes. C’est pourquoi elle ne concerne pas seulement les prostituées, mais aussi toutes les femmes.

Bien que l’argumentation utilisée pour défendre la position régulatrice prétende vouloir donner des droits aux travailleuses du sexe, la question qui sous-tend ce vernis libéral de droits, est comment réglementer et légaliser la façon dont les hommes peuvent accéder à notre corps. Le pouvoir d’accéder au corps d’une femme en la réduisant à un simple objet de consommation est le pouvoir d’accéder au corps de toutes les femmes. Cette possibilité devient un droit universel de l’homme sur la femme, protégé et légitimé par la loi. C’est pourquoi, en tant que communistes, nous devons avoir une stratégie claire à l’égard de la prostitution, et nous devons mener une lutte féministe et de classe toutes ensemble, celles qui travaillent dans la prostitution et celles qui ne le font pas, pour lutter comme classe ouvrière que nous sommes pour notre propre émancipation du joug patriarcal.

La manière dont un État réglemente et aborde cette question dépend du rôle économique et social des femmes dans cette société. Le traitement de la prostitution dépendra de la façon dont notre force de travail et notre sexualité (comprise sur la base de la production et de la reproduction) servent les intérêts de la bourgeoisie. En ce sens, réglementer juridiquement la prostitution par un État, c’est légaliser une forme spécifique d’exploitation sexuelle des femmes. Cela implique que l’accès des hommes au corps des femmes soit légitimé, et que soit réglementée la manière spécifique dont cet accès/exploitation aura lieu. Les femmes qui se livrent à la prostitution sont invisibles et réduites au silence, dans la plus totale des carences sociales et politiques, ce qui entraîne à la fois une cause et une conséquence égales de leur situation. Les femmes représentent le dernier maillon de la chaîne de l’exploitation, alors que c’est précisément à travers nos corps et nos vies que se crée la richesse qui soutient l’immense commerce de la prostitution. C’est pourquoi nous ne pouvons ni ne devons nier l’existence de la prostitution et la nécessité de considérer les femmes qui l’exercent ou l’ont exercée comme des sujets politiques.

PERSPECTIVE ÉCONOMIQUE DE LA PROSTITUTION DANS LE MODE DE PRODUCTION CAPITALISTE

Dans le domaine historique, le travail est une condition d’existence de l’être humain, une médiation nécessaire entre être humain et nature. Cependant, le travail dans le capitalisme est une activité génératrice de valeur, d’une valeur utile socialement et qui peut être vendue comme marchandise. Considérons le travail comme une expérience aliénante, une activité qui n’est pas faite volontairement par la travailleuse et qui, par conséquent, n’a pas un but d’auto-réalisation. Le travail n’appartient pas à la travailleuse, mais au capitaliste qui l’exploite, à la travailleuse, cependant, sa force de travail lui appartient. La travailleuse vend sa force de travail, sa capacité de travail, au plus offrant dans le seul but de survivre, de sorte que tout contrat, légal ou non, est un contrat inégal et en aucun cas libre. Ainsi, la force de travail devient une marchandise que la travailleuse loue à l’heure au capitaliste. Un ouvrier, une masseuse, une serveuse… vend sa force de travail à qui l’embauche, la prostituée fait de même.

Dans le système capitaliste, on fait une distinction entre le travail productif qui crée une nouvelle valeur (travail productif pour le capital est celui qui « produit de la plus-value pour le capitaliste ou qui sert à l’auto-valorisation du capital »), et le travail reproductif, lié à une «production naturelle». Dans cette catégorie entrent tous les travaux qui permettent à la main-d’œuvre de la classe ouvrière d’être créée et maintenue et avec elle le travail productif. Ainsi, le travail reproductif fait partie du cycle capitaliste, et c’est une condition de l’existence de la production (pas de force de travail, pas de main-d’œuvre, pas de production). Par conséquent, sans le travail reproductif des femmes dans le noyau familial, il n’y aurait pas non plus de production. Le travail reproductif est complété par le travail productif, à la différence que le travail reproductif n’est ni reconnu, ni beaucoup moins rémunéré. Dans le travail reproductif, nous pouvons distinguer 4 types : travail domestique, travail sexuel, travail affectif, travail reproductif. Il n’est pas étonnant, puisque c’est dans sa nature, que le capitalisme cherche des voies pour surexploiter ce travail, par exemple en le marchandisant, c’est le cas du travail domestique avec les femmes de ménage, ou encore du reproducteur avec les mères porteuses; c’est aussi le cas du travail sexuel avec la prostitution. Il faut comprendre que cette marchandisation n’est pas, et n’a pas cherché à être, une reconnaissance ou une rémunération du travail que les femmes accomplissent dans nos noyaux familiaux, relations sociales, et en définitive dans notre quotidien, mais la conversion en un travail «à part» que les femmes de la classe ouvrière sont obligées d’assumer, en plus de ce qu’elles ont déjà fait, la double exploitation. Le capitalisme se nourrit donc de la prostitution, quelles qu’en soient les conséquences pour les travailleuses ou les violences patriarcales brutales qui y sont associées; en effet, il est chargé d’encourager cette pratique et de l’étendre à davantage d’entreprises comme le porno. Il est également capable de les lier à de nombreuses entreprises et industries comme la drogue ou même à des industries normalisées et bien vues comme le tourisme (tourisme sexuel). Cette dernière pratique nous est très commune dans l’État espagnol qui est le bordel de l’Occident depuis des décennies, ainsi que dans d’autres pays comme la Thaïlande ou le Brésil. Dans le socialisme, avec le pouvoir et les moyens de production dans les mains du prolétariat, sans qu’il y ait aucun profit pour la bourgeoisie exploiteuse, un travail qui ne peut profiter qu’à la moitié de la classe ouvrière. La prostitution n’est pas seulement un travail salarié qui enrichit la minorité exploiteuse aux dépens de la majorité exploitée, elle profite non seulement à la moitié de la population au détriment d’une autre, mais elle marchandise aussi le corps des femmes. En tant que communistes et féministes, nous sommes pour l’abolition de toute forme de marchandisation du corps des femmes. Dans la future société communiste que nous prétendons construire, société dans laquelle l’appareil d’État n’existe plus, où il n’existe ni classes, ni genres, ni races, les relations affectives et sexuelles seront libres, la prostitution ne pourra en aucun cas y avoir sa place.

LE TRAVAIL SALARIÉ ET LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE.

Nous trouvons dans le Manifeste communiste deux questions fondamentales qui ne peuvent être étrangères à aucun communiste, car il s’agit d’idées essentielles à nos principes. Ces deux questions sont : la dénonciation de la liberté bourgeoise comme une fausse forme de liberté, et l’abolition de la propriété privée. De notre point de vue, les deux sont étroitement liées au débat sur la prostitution qui est si vivace aujourd’hui, et ne doivent jamais être perdues de vue si nous voulons aborder cette question dans une perspective conforme à nos principes :

«Dans la société bourgeoise, c’est donc le passé qui règne sur le présent; dans la société communiste, le présent prévaudra sur le passé. Dans la société bourgeoise, on réserve au capital toute personnalité et toute initiative; l’individu travailleur manque d’initiative et de personnalité. Il Et à l’abolition de ces conditions, il appelle la bourgeoisie l’abolition de la personnalité et de la liberté! Et pourtant, il a raison. Nous aspirons en effet à voir disparaître la personnalité, l’indépendance et la liberté bourgeoise. Par liberté, on entend, dans le régime bourgeois de la production, le libre-échange, la liberté d’acheter et de vendre. Le trafic a disparu, disparaîtra aussi, forcément la libre circulation. L’apologie de la libre circulation, comme en général tous les ditirambos à la liberté qui entonne notre bourgeoisie, n’ont de sens et de raison d’être que dans la mesure où ils signifient l’émancipation des travaux et la servitude du Moyen Âge, mais pâlissent devant l’abolition communiste du trafic, des conditions bourgeoises de production et de la bourgeoisie elle-même. Vous êtes choqués que nous voulions abolir la propriété privée, comme si déjà au sein de votre société actuelle, la propriété privée n’était pas abolie pour neuf dixièmes de la population, comme si elle n’existait pas précisément au prix de ne pas exister pour ces neuf dixièmes parties! Qu’est-ce donc que vous nous reprochez en fait ? Vouloir détruire un régime de propriété qui a pour condition nécessaire la spoliation de l’immense majorité de la société. Vous nous reprochez, pour ainsi dire, de vouloir abolir votre propriété. Oui, c’est à cela que nous aspirons»

(Le Manifeste du Parti communiste, K. Marx et F. Engels).

Les communistes se battent pour l’abolition du travail salarié tel qu’il est compris dans le capitalisme, c’est-à-dire celui basé sur l’exploitation d’une classe sur l’autre. On ne peut pas être communiste si l’on n’assume pas ce principe élémentaire, puisque la lutte contre cela, contre la propriété privée des moyens de production, est le fondement pour détruire la base économique du système qui nous opprime et, avec elle, toute la superstructure levée pour la reproduire et la justifier. Comme l’affirme le Manifeste communiste, la «liberté» traitée comme un droit individuel, comme une prémisse pour attaquer la lutte contre toute oppression, n’est que le fruit de la moralité bourgeoise. C’est la justification idéologique nécessaire pour perpétuer le système d’exploitation dans lequel nous vivons, car «dans la société bourgeoise, toute personnalité et toute initiative est réservée au capital; l’individu travailleur manque d’initiative et de personnalité.» Pour les communistes, la liberté est la compréhension de la nécessité de notre classe, en ce sens nous défendons la fin de toute exploitation, la fin du travail salarié, la destruction d’une morale et de « libertés » individuelles qui se placent au-dessus du bien collectif. Car sans cette défense, il n’y a pas de sujet révolutionnaire pour guider la lutte. Les communistes défendent donc que, puisque la société dans laquelle nous vivons est aliénante pour la classe ouvrière – sous toutes les formes où elle est opprimée – il n’existe dans notre classe aucune décision libre et il n’appartient pas à notre classe de défendre une «liberté» individuelle qui n’en est pas une, au-delà des libertés et droits collectifs. Nier cela, c’est nier le marxisme. Nier cela, c’est plaider pour la lutte, pour le plus absolu des échecs. Dans le capitalisme, la seule liberté qui existe est la liberté pour la bourgeoisie d’exploiter, de piller, de commercer et de dominer. La classe ouvrière ne prend pas de décisions librement, elle manque de cette prétendue « liberté individuelle », bien que l’idéologie dominante s’obstine à l’utiliser comme drapeau face aux luttes pour les droits collectifs. Le fait que les gens de notre classe n’aient que notre force de travail comme outil de survie nous prive de pouvoir décider. Les besoins de base dans ce système sont achetés avec de l’argent, ce qui explique pourquoi les salaires indécents, les abus, les licenciements et l’exploitation sont tolérés. Et ce n’est pas un hasard, et encore moins le fruit de la «liberté individuelle», que la prostitution augmente de manière substantielle dans les périodes et les lieux où la classe soumise est dans une situation économique pire, Elle est en train de générer des destinations touristiques dont l’attrait principal est la prostitution exercée majoritairement par des femmes et des filles pauvres originaires de pays dépendants et/ou touchés par des guerres impérialistes.

Nier ou ignorer la réalité structurelle dans laquelle se trouvent les personnes de la classe ouvrière, pour en déduire que ce qu’elles font ou ne font pas sont des décisions libres et individuelles, est le plus grand subterfuge du libéralisme lui-même. Car le libéralisme justifie de la même manière d’autres formes d’exploitation sauvage qu’exerce la bourgeoisie. Par exemple, que les Bangladaises cousent des vêtements exploités pour Amancio Ortega dans une usine pendant 18 heures par jour, devient une décision individuelle sous l’argumentation de l’impérialisme : «mieux vaut cela que rien» parce qu’elles l’ont décidé «librement» et non sous la menace des armes. Cependant, la réalité est que pour les travailleuses, l’arme est précisément la structure capitaliste : soit vous vendez votre force de travail, soit vous mourez. Il est donc fondamental de dissocier le travail salarié et la liberté de choix individuel dans le capitalisme de toute idée de liberté pour les travailleuses. Ceci étant, ce serait une grande erreur de principe d’exclure les prostituées de cette logique, et de les traiter comme si elles n’étaient pas aussi des femmes d’extraction ouvrière, pour lesquelles s’appliquent les mêmes principes que pour le reste. Étant donné que nous parlons de femmes qui travaillent, pas de Martiennes ou de toute autre espèce, nous comprenons qu’elles aussi effectuent un travail aliénant et exploiteur, et que ce serait une véritable erreur de ne recourir qu’à la liberté individuelle, en contradiction avec le reste de notre analyse.

PROSTITUTION ET ACCUMULATION ORIGINELLE.

Il n’est donc pas surprenant qu’à la fin du XVe siècle et au début du XVIe siècle, avec la «crise des prix» en pleine accumulation originelle, la prostitution ait connu un essor très important dans tous les pays d’Europe occidentale (Caliban et la Sorcière, Silvia Federici). Dans ces dernières étapes du féodalisme, lorsque la classe dominée luttait pour des améliorations contre la classe féodale, la prostitution fut une arme des nouveaux États-nations européens pour freiner les luttes de classe, en divisant la classe opprimée. À cette époque, la prostitution est déclarée « service public », utilisée comme arme de contrôle idéologique. On offrait et même on garantissait aux hommes l’accès au sexe – c’est-à-dire aux femmes – pour les distraire des luttes « ouvrières » et paysannes, qui mettaient en danger le pouvoir de la classe dominante. Les maisons closes contrôlées par les États naissants étaient à l’ordre du jour et les femmes étaient utilisées comme des outils sexuels, réduites en esclavage pour le plaisir, pas seulement des propriétaires, mais de ses propres camarades de classe qui accélèrent le processus de cosification des femmes. Commence alors un processus graduel de marchandisation du corps des femmes qui passent du statut de sujets politiques à celui de marchandises, et que nous pouvons encore facilement reconnaître aujourd’hui en regardant autour de nous. On voit donc au tout début de la prostitution dans la modernité capitaliste comme un élément institutionnalisé, combien il est important pour l’idéologie dominante (patriarcale et capitaliste) que cette profession existe et, bien sûr, qu’elle soit exercée par les femmes. C’est à ce moment-là que les femmes cessèrent d’être des partenaires de lutte, celle-ci étant réduite de moitié.

PROSTITUTION ET IMPÉRIALISME

Il n’est pas étonnant que le commerce de la prostitution dans les pays impérialistes se nourrit principalement de femmes migrantes, notamment de l’exploitation de leur corps. Il s’agit de femmes sans protection juridique, avec peu ou pas de réseaux de soutien, qui assurent habituellement la subsistance matérielle de leur famille dans leur pays d’origine et, dans de nombreux cas, ayant été trompées et violentées pour migrer à la recherche d’une vie meilleure, soit forcées par des conditions de guerre et/ou de misère. Ils deviennent ainsi des sujets particulièrement vulnérables, dont la présence est considérée comme illégale dans les pays occidentaux (ce qui sert de prétexte à l’absence de protection de l’État) et sans possibilité de retour dans leur pays d’origine, étant donné que normalement la sortie est forcée par les circonstances que l’impérialisme lui-même génère. Toute cette situation facilite au capital de faire un pas de plus dans son exploitation, en utilisant également la sexualité de ces femmes à ses propres fins.

Nous ne devons pas oublier non plus que l’État espagnol a un caractère impérialiste qui se reflète dans la prostitution, utilise l’exploitation d’autres pays et de leurs femmes, en permettant et en encourageant la traite des femmes ou la traite. Nous voyons que des travailleuses du monde entier sont trompées par l’excuse d’une vie meilleure, d’un travail stable, même des femmes qui fuient leur pays à cause des conflits impérialistes eux-mêmes, et sont impliquées dans des transactions avec des mafias qui dès leur arrivée dans l’État les forcent à se prostituer, les vendent ou les introduisent dans l’industrie du porno. Il n’est donc pas surprenant que la plupart des prostituées de l’État espagnol soient des femmes travailleuses originaires de pays dépendants : d’Europe orientale, d’Amérique latine, de pays pauvres d’Asie et d’Afrique… En supposant que la prostitution n’est jamais un choix libre, pour ces femmes victimes de la traite, elle devient un cercle dont elles ne peuvent sortir sous la menace de mort, expulsion du pays, extorsion de drogue, etc. Dans ce contexte, les femmes et les personnes LGBTI pauvres des pays dépendants sont également contraintes de se prostituer et sont persécutées en raison de leur identité ou de leur orientation sexuelle. Ces personnes sont prostituées pour enrichir le capital international, en plus de bénéficier aux hommes de toutes les classes sociales des pays impérialistes, qui consomment le corps des exploités.

Par ailleurs, bien qu’il y ait un grand nombre de femmes migrantes, la perception sociale – traduite en politiques concrètes – continue de considérer la personne migrante comme un «homme», ne se concentre que sur les problématiques qui la concernent. Aujourd’hui encore, la persécution et la violence à l’égard des femmes ne sont pas réglementées en tant que motifs de demande d’asile. Si la violence qui les contraint à fuir est une violence normative dans leur pays d’origine, elle ne sera pas prise en compte comme sujet de protection pour des raisons politiques. Dans ce cadre, les femmes migrantes sont donc déjà considérées comme des migrantes de seconde zone, sans accès à des politiques sociales qui réinterprètent et s’attaquent aux causes de la migration et assurent une prise en charge adéquate en les poussant ainsi, avec encore plus de force et de violence, à la pauvreté et aux besoins, et donc souvent à la prostitution comme option de survie. Il est donc logique que la question de la prostitution (qui touche majoritairement les femmes) soit traitée par les partis libéraux et bourgeois comme un fait étranger à nos sociétés. Ce ne sont pas les femmes autochtones qui se prostituent le plus souvent, mais les femmes qui sont traitées comme des secondes, les migrantes, pauvres, condamnées par l’impérialisme et donc sans droits formels et informels.

PROSTITUCIÓN E IDEOLOGÍA PATRIARCAL

La prostitution et l’oppression des femmes sont les deux faces d’une même médaille et l’un des aspects les plus inhumains du système patriarcal. C’est un mensonge que les femmes «décident» de se prostituer et que leur décision soit le fruit de leur liberté sexuelle. Il faudrait plutôt parler du manque d’alternatives résultant du capitalisme brutal dominant qui se nourrit d’une «armée» de femmes comme marchandise à vendre sur le marché, en évitant ainsi d’ébranler l’ordre établi car la prostitution est pour lui une institution nécessaire. Comme le disait Engels, «dans le monde moderne, la prostitution et la monogamie, bien qu’antagonistes, sont inséparables, comme des pôles d’un même ordre social». L’existence de la prostitution n’est pas seulement le résultat de relations concrètes dans le cadre économique capitaliste et impérialiste, elle est aussi le produit de relations de genre, dans lesquelles se déroule une structure d’abus et de soumission envers les femmes. Nous ne pouvons donc pas priver la prostitution d’une analyse de genre et la réduire à un schéma simpliste de classe. Que les hommes, légalement ou illégalement, d’une manière ou d’une autre, puissent accéder matériellement au corps des femmes, à leurs services, à leur sexualité… a des conséquences incalculables tant sur le plan idéologique que matériel, pour les hommes comme pour les femmes. Les viols, les abus sexuels, le harcèlement, voire les meurtres -féminicides- sont quelques-unes des violences que subissent les femmes à cause d’une culture misogyne et patriarcale. De l’autre côté, on trouve la construction d’un genre masculin qui se renforce en exerçant ces violences sur les femmes.

Il serait réducteur de penser que seul le profit économique tiré de la prostitution est la raison pour laquelle le système capitaliste non seulement la maintient, mais la promeut, soit de manière évidente, soit de manière souterraine. « Vendre » le corps des femmes, les coudre de telle manière, n’est pas un droit, mais une obligation à laquelle les femmes ont été contraintes tout au long de l’histoire d’être écartées à de nombreuses périodes de la production salariée. Comme nous l’avons déjà souligné, ce mécanisme économique sous-tend et renforce une idéologie patriarcale qui divise et affaiblit la classe ouvrière, freinant notre progression vers le communisme. Comme nous l’avons dit, la prostitution ne peut être comprise sans perspective économique : le système génère des profits et dépend de l’activité sexuelle des femmes, mais cela ne sert pas à obtenir l’indépendance économique des hommes, bien au contraire. Le double aspect économique et idéologique de la prostitution se retrouve d’une part dans la relation du proxénète avec la prostituée, qui incarne la relation de pouvoir économique et d’exploitation, et d’autre part dans la relation de pouvoir patriarcale de l’homme consommateur. Dans les deux cas, la femme est maltraitée, intimidée, violée, agressée physiquement et psychologiquement, etc. Les deux figures ne sont pas figées, le proxénète ayant souvent accès au corps de la prostituée gratuitement, comme forme de discipline, ou même comme forme de soulagement ou simplement comme appât sexuel; et de même le puter paie (aspect économique) comme un moyen de blanchir une relation sexuelle patriarcale.

LA PROSTITUTION COMME PACTE INTERCLASSISTE.

Une question non négligeable concernant l’institution de la prostitution est qu’il s’agit d’une entreprise d’exploitation à laquelle les hommes de la classe ouvrière accèdent en tant que bénéficiaires, partageant des privilèges avec les bourgeois. Il s’agit de créer des liens de pouvoir interclassistes, qui favorisent la pensée bourgeoise dans la classe ouvrière, créant un sentiment illusoire de pouvoir social et politique. La prostitution représente un marché qui soutient et aide à réguler les conséquences des crises capitalistes sur la classe ouvrière. Il renforce la domination patriarcale, contribue au maintien du pacte interclassiste entre hommes et renforce l’idéologie de la bourgeoisie. En définitive, il normalise l’exploitation dans notre classe. Et à travers son bras politique que sont les partis bourgeois, sur la base de la défense de la liberté bourgeoise, cette exploitation est légiférée et légitimée. En plus de contribuer à la division de la classe ouvrière comme sujet politique en générant deux catégories : homme-sujet et femme-objet (ou objet potentiel), il enrichit la première en lui donnant accès à l’objet/service qui devient la seconde. Ainsi, nous pouvons dire que le patriarcat divise la classe ouvrière, renforçant la domination patriarcale.

PROSTITUTION ET VIOLENCE SEXISTE.

Pour comprendre ce à quoi nous sommes confrontés, la prostitution nécessite une analyse de son rôle dans les relations de genre et dans les relations économiques. Ainsi, nous disons que la structure socio-patriarcale dans laquelle s’insère la prostitution est intrinsèquement violente. Cette violence touche toutes les femmes qui vivent dans le patriarcat de manière spécifique selon les conditions dans lesquelles nous vivons. Les conditions spécifiques qui affectent les femmes qui se livrent à la prostitution font peser sur elles des violences spécifiques qui ne cessent d’être des violences de genre. Les ignorer serait tomber dans l’idéalisme, sans tenir compte des conditions concrètes des prostituées, en les abandonnant dans la lutte contre les violences patriarcales. Les violences patriarcales auxquelles les femmes sont confrontées dans le cadre de la prostitution sont notamment les suivantes :

Stress post-traumatique : selon une étude de la Société américaine de psychologie, 68 % des prostituées souffrent de stress post-traumatique, «82 % ont été agressées dans l’exercice de leur profession; 88 % ont subi des menaces physiques et 68 % ont été violées. À la peur quotidienne à laquelle sont confrontées les femmes qui vivent du sexe, à cause des mauvais traitements et des brimades qu’elles peuvent subir, s’ajoutent les fantômes du passé : 57% des participantes ont reconnu avoir subi des abus sexuels pendant l’enfance »

Maladies sexuellement transmissibles : Si les mêmes mesures de sécurité que celles requises pour tout autre travail étaient prises pour la prostitution, il serait impossible de se livrer à la prostitution.

Les grossesses non désirées, les avortements… et le coût pour le corps des femmes.

La difficulté d’entrer sur le marché du travail facilite la rechute dans la prostitution-traite.

Consommation de drogues pour faire face à la violence sexuelle.

Déchirures, hémorragies et autres lésions génitales.

AVIS SUR CERTAINES QUESTIONS  QUE NOUS NE PARTAGEONS PAS

SUR LA TRAITE DES PERSONNES À DES FINS D’EXPLOITATION SEXUELLE

Dans le cadre d’un débat sur la prostitution, l’une des positions les plus courantes consiste à négliger des questions telles que la traite des êtres humains ou la prostitution des enfants. Mais nous défendons que cette prémisse n’est ni valable, ni représentative, ni marxiste, puisqu’elle ne tient pas compte de la réalité de fait de la prostitution qui existe, sinon qu’elle dirige le débat vers une idée abstraite, des hypothèses ou bien inexistantes, soit ils sont si réduits qu’il irait à l’encontre de tout matérialisme dialectique de les prendre à la place de la tendance et de prétendre analyser la réalité sur leur base.

Bien qu’il n’existe pas de données officielles et consensuelles sur le pourcentage de traite dans l’exercice de la prostitution, il existe des données approximatives qui nous indiquent que la plupart des prostituées exercent la prostitution contre leur gré (Rapport ONG Anesvad). Est-il marxiste d’analyser l’anecdote pour affirmer que cette partie minoritaire est la réalité ? Il n’est certainement pas marxiste, bien au contraire. Une vision partiale de la réalité, qui s’appuie sur l’anecdotique pour extrapoler, plutôt que sur le structurel et majoritaire, est contraire à toute vision scientifique de la réalité. Défendre cette vision reviendrait à affirmer que le capitalisme n’exploite pas la classe ouvrière, parce qu’il y a une couche de celle-ci qui vit bien ou qui a de bons salaires. C’est aussi une vision nettement primitiviste de la prostitution qui, en niant la traite comme sujet de débat sur la régulation, fait sortir de la carte des pays entiers où les «droits» et la «liberté» des prostituées – et des femmes en général – sont totalement inexistants. En ces termes, il nous semble que les positions régulationnistes tombent dans des dérives anti-matérialistes et réformistes, finissant par défendre les intérêts du patriarcat et du capital. De cette façon, les positions régulatrices excluent la grande majorité des femmes qui travaillent, car en fin de compte, elles s’engagent sur une voie contraire à nos intérêts. Une autre question qui mérite d’être soulignée, et qui est souvent peu entendue dans les débats sur la traite à des fins d’exploitation sexuelle, est que cette pratique s’exerce souvent sur des personnes et des groupes structurellement opprimés par le mode de production capitaliste. D’une part, le capitalisme patriarcal déplace de la production une grande partie des personnes appartenant à la communauté LGBTI, et en particulier la communauté des femmes trans, les exposant à des situations de grande vulnérabilité et de dépendance. Beaucoup de ces personnes, qui sont contraintes de quitter leur foyer ou expulsées de chez elles parce qu’elles ne sont pas socialement acceptées, finissent par être recrutées par les réseaux de traite dans le domaine de l’esclavage sexuel et du travail. Dans cette même situation de vulnérabilité, de nombreuses femmes de pays impérialistes sont contraintes de fuir leur pays et finissent par tomber entre les mains de trafiquants qui les exploitent sexuellement. Par conséquent, en tant que marxistes, nous devons être conscients de la forte composante raciale, de classe et de genre de la traite des êtres humains et nous ne pouvons pas nous contenter de la superficialité des analyses réformistes.

Nous soutenons donc que la traite des êtres humains fait partie du débat en tant que réalité majoritaire et que les victimes de celle-ci sont les plus exploitées de l’axe central de cette thématique. Nier cela, c’est poser une autre hypothèse fausse pour partir d’un débat sur une réalité qui n’en est pas une, en ignorant et en abandonnant à leur sort les parties les plus exploitées. Ignorer le thème de la traite dans le débat sur la prostitution, c’est générer l’idée d’une prostitution idéale, désarmant et vendant à une grande partie de celles qui vivent la prostitution réelle comme si elles étaient les plus opprimées, ne feront pas partie de notre lutte féministe et communiste.

LA POSITION RÉGULATRICE ET LA LIBÉRATION SEXUELLE

L’activité sexuelle des femmes dans la prostitution est soumise à un rôle de satisfaction masculine, n’étant pas une activité libre, indépendamment du fait que les femmes, la grande minorité des cas, souhaitent être soumises à tous les facteurs économiques et patriarcaux que nous avons vus. Ainsi, la prostitution engendre et se nourrit à la fois d’une culture sexiste qui condamne la moitié de la population à exister pour quelqu’un et non pour elle-même, créant une structure intrinsèquement violente envers les femmes. La relation dialectique et l’interdépendance entre la prostitution et les violences patriarcales font qu’il est assez difficile d’imaginer que, dans cette société, les femmes puissent avoir une activité sexuelle libre et authentique, et qu’elles n’aient donc pas, des rôles et une finalité patriarcale. Il ne nous appartient pas de décider comment la sexualité des femmes se concrétisera dans une société future, alternative ou communiste, mais il nous appartient d’analyser les causes et les conséquences de la prostitution, ainsi que l’énorme impact qu’elle a sur la sexualité des femmes et sur nos vies dans notre société. Les positions régulationnistes tendent à s’attaquer à un soi-disant moralisme de l’abolitionnisme, qui traiterait le sexe comme un tabou, comme quelque chose de moralement restrictif, ou depuis la sacralisation. Nous devons tout d’abord garder à l’esprit que les abolitionnistes non seulement ne considèrent pas le sexe comme tabou, mais qu’en plaidant pour l’abolition de la prostitution, nous luttons pour la liberté sexuelle des femmes autant qu’une régulatrice peut le faire. Cela dit, examinons ces questions : se livrer à la prostitution signifie-t-il avoir atteint la libération sexuelle ? Cela signifie-t-il que l’on a atteint un point où l’on peut jouir du sexe librement et volontairement ? Alors pourquoi ne pas se consacrer à la prostitution ? Notons tout d’abord que les féministes – ensemble – luttent, entre autres, pour une liberté qui nous permette de jouir des relations sexuelles que nous voulons avoir sans subir de critiques ni de stigmatisation sociale, comme c’est le cas dans le patriarcat. Cependant, les hommes jouissent déjà d’une position de supériorité par laquelle ils peuvent avoir des rapports sexuels librement et même être exaltés pour cela. Si la prostitution était liée à la libération sexuelle, les hommes ne devraient-ils pas être le sexe majoritaire dans cette profession? Pourquoi ne le sont-ils pas alors ? La prostitution n’a rien de libérateur sexuel. La lutte pour la liberté sexuelle des femmes va à l’encontre de la chosification des femmes. Gardez à l’esprit que non seulement ce n’est pas l’homme qui exerce habituellement ce travail, mais c’est lui qui paie pour recevoir un service. Il en résulte une relation de pouvoir économique de l’homme sur les femmes, qui se concrétise en pouvoir «posséder» les femmes, et qui ne fait que renforcer la relation existant dans la société en général, donnée par le patriarcat. Les femmes sont cousu et réduit à la catégorie d’objet, leur refusant le droit de décider de leur propre corps (utilisation de préservatifs, avortements forcés, pratiques et postures sexuelles imposées, etc.). C’est l’homme qui se vante d’«aller aux putes», tout en stigmatisant les femmes qui exercent cette profession. Cette relation dans la société est enseignée et perpétuée, et on nous montre quotidiennement que le sommet de cette relation de pouvoir de l’homme sur les femmes a lieu quand celui-ci peut accepter d’avoir des relations sexuelles avec elles, en parvenant à « la posséder » du tout. Nous sommes conscients qu’il y a des femmes qui peuvent exercer «volontairement» la prostitution, mais cela n’implique pas la liberté, loin de là, mais simplement la naturalisation de la nécessité. De même, la classe ouvrière est exploitée et, pour la plupart, elle ne reconnaîtrait jamais une telle exploitation. En tant que marxistes, nous n’analysons pas le monde sur la base de la vision individuelle que les gens ont de leur réalité, mais en analysant la réalité matérielle et structurelle, sous le prisme de la science marxiste.

On peut faire valoir, dans la position abolitionniste, que le régulationnisme est donc une position morale, mais de morale bourgeoise, où l’on cherche à justifier par le discours de la «liberté individuelle» – mantra du libéralisme – une des exploitations les plus féroces des femmes en tant qu’ouvrières et en tant que femmes.

ASSISTANCE SEXUELLE

Une autre forme qui prend la défense de la prostitution depuis quelques années et qui se réfugie dans l’idéologie patriarcale la plus démodée est celle qui prend par nécessité l’activité sexuelle des hommes, leurs désirs. Nous trouvons souvent cet argument dans le débat sur l’assistance sexuelle aux personnes présentant une diversité fonctionnelle. Ainsi, on présente une personne (par hasard un homme) incapable d’avoir des rapports sexuels si ce n’est par une «assistante sexuelle» (par hasard une femme) qui s’y prête. L’un de leurs visages les plus visibles, mais pas le seul, était le mouvement Yes, we fuck qui présente la prostitution comme un moyen de garantir le droit des hommes handicapés d’avoir accès au sexe, en utilisant la sensibilité de la société aux personnes handicapées pour blanchir la prostitution. Mais ce n’est là qu’un moyen d’instrumentaliser un groupe généralement ignoré pour présenter la prostitution comme un peu moins qu’une ONG qui fournit un «service humanitaire». Cependant, nous voyons à nouveau le corps des femmes devenir un droit des hommes qui doit être garanti. En outre, cette façon de penser est extrêmement paternaliste à l’égard des personnes handicapées, en présumant qu’elles sont incapables d’établir elles-mêmes des liens sexuels. Et surtout, elle ignore complètement les femmes qui ont une diversité fonctionnelle. Elle ignore sa perception de la sexualité, tout comme elle ignore le fait que, tout au long de leur vie, beaucoup d’entre elles sont victimes d’abus sexuels de la part d’hommes qui pensent avoir le droit d’accéder à leur corps. D’autre part, nous ne pouvons pas ne pas remarquer que cet argument de «l’assistance sexuelle» qui tente de nous convaincre de la nécessité sociale de la prostitution, n’est rien d’autre que la formulation aimable de l’argument selon lequel l’existence de la prostitution empêche d’autres violations. En laissant de côté que je sais que si une prostituée ne peut pas être violée (si vous êtes une pute, qui se soucie que vous voulez ou ne voulez pas baiser? Vous êtes là pour ça)les deux arguments coïncident en dépeignant le désir sexuel des hommes comme une nécessité naturelle et incontournable qui doit être satisfaite socialement. C’est donc à la société qu’il appartient de déterminer comment, par quels canaux ces «besoins» sexuels seront satisfaits. C’est-à-dire qu’il se pose en définitive la question de savoir comment normaliser l’accès des hommes au corps des femmes, en plaçant cet accès comme incontestable.

ET POUR LES “PUTES” ?

Depuis l’Initiative Communiste, nous défendons fermement qu’un communiste ne peut pas être un prostitu . Comment quelqu’un qui voit légitime peut-il acheter des services sexuels, c’est-à-dire avoir le droit d’utiliser le corps d’une femme contre de l’argent, puis la traiter comme son égal, comme son camarade ? Si un homme va de putes affecte la conception qu’il a des femmes, de sorte qu’il ne va pas traiter les camarades d’égal à égal. C’est-à-dire que s’il est un putois, il n’est pas communiste, car il exploite, viole et viole ses sœurs de classe. Par conséquent, avoir des putes dans nos rangs pensant qu’elles sont des camarades ne sert qu’à diviser nos organisations, affaiblissant l’avancée de notre lutte.

NOTRE APPROCHE DE L’ABOLITIONNISME

Depuis l’Initiative communiste, nous entendons par abolition de la prostitution le dépassement historique du système à l’origine de la prostitution : la société de classes, produite par un capitalisme qui se réfugie dans un ordre patriarcal pour pouvoir assurer sa propre survie. Dans notre position abolitionniste dans le cadre d’un féminisme de classe, nous considérons que nous sommes l’ensemble des femmes le sujet politique légitimé pour parler de la prostitution et définir une position à son égard. C’est parce que, comme nous l’avons développé tout au long du texte, c’est la division patriarcale de la société de classe capitaliste qui renforce la prostitution moderne. Cela ne nie pas le fait que la prostitution des hommes et des garçons (en particulier originaires de pays dépendants) existe, quoique numériquement beaucoup moins. Cependant, il est crucial de comprendre que le prostituée est toujours un homme, qui est à qui est accordé le droit d’accéder par le sexe payé aux corps qui sont socialement positionnés en dessous de lui. Nous n’acceptons pas les exceptions à cette règle, qui sont absolument anecdotiques. Par conséquent, seule la libération des femmes par la destruction du patriarcat peut mettre fin à cette institution qu’est la prostitution. Cela n’exclut pas que nous devions tenir compte des femmes en situation de prostitution. En tant que partie intégrante de la classe ouvrière, nous comprenons qu’ils sont sujets de leur propre libération (comme nous le sommes tous), et qu’ils peuvent mener des luttes partielles axées sur l’amélioration de leur propre situation (comme nous le faisons pour le reste). Ainsi, nous devons accorder une attention particulière, dans le développement de la lutte abolitionniste, à la situation et aux revendications concrètes de ce groupe, qui incarnent les spécificités de ce que nous avons développé jusqu’ici. Nous tenons cependant à souligner que cela ne signifie pas tomber dans l’idéalisation de la prostitution, promue à tout moment par des mouvements régulationnistes à caractère petit-bourgeois, et qui ne donnent voix qu’à un profil de prostituée que nous considérons comme très minoritaire : celle qui est satisfaite de son travail, qui a choisi volontairement entre autres options et qui lui fournit une situation économique détendue, est blanche et cultivée, choisit les clients, etc. Au contraire, nous considérons qu’écouter la voix des prostituées, cela implique d’écouter les prostituées, les plus exploitées des opprimées et de se rendre compte qu’elles, comme nous, font partie du même sujet révolutionnaire, que leur libération et la nôtre cheminent sur le même chemin, et que notre lutte et la leur sont identiques. Il n’y a pas de femmes et de putes séparées. Pour toutes ces raisons, nous sommes étrangers à la ridiculisation de la position abolitionniste qui prétend nous présenter comme des fanatiques prohibitionnistes, des chasseuses de rue de prostituées. Quand nous défendons la justesse d’une révolution, appelons-nous demain à sortir dans les rues fusil à l’épaule ? Quand les communistes occidentaux disent vouloir mettre fin à l’exploitation impérialiste en Inde, est-ce que nous appelons à renouveler le passeport pour nous y installer le plus rapidement possible? Tourner ainsi en dérision la position abolitionniste n’est rien d’autre qu’une position réformiste et réductionniste; c’est la même que celle utilisée par les partis sociaux-démocrates pour prétendre que le communisme est «impossible» ou «dépassé»qui n’est qu’un moyen de justifier ses politiques vendues et son jeu dans le système capitaliste. C’est la même idéologie réformiste qui fait que l’on nous dit très souvent cette phrase ridicule de «Venez, allez donc à la montagne et tirez des coups de feu». Pour les communistes, tout principe idéologique, toute fin stratégique, implique une tactique qui dépendra de l’analyse de la situation concrète du moment concret. N’est-il pas vrai que les communistes soutiennent la lutte syndicale alors que notre but est d’abolir le motif de leur existence? Nous défendons la marche vers la fin de la prostitution, ce qui implique tout un chemin avec mille nuances et une infinité de contradictions que nous devrons résoudre en analysant la conjoncture dans le cheminement lui-même. La position abolitionniste porte la tactique en son sein, comme le font toutes les luttes que, en tant que marxistes-léninistes, nous défendons et défendons.

De même, nous ne pouvons pas oublier que ces tactiques et ces luttes concrètes ne peuvent être définies individuellement, à partir de l’arrogance intellectuelle, ni dans le confort de nos maisons. Nous ne mettrons pas fin à la prostitution en écrivant des discours, en écrivant des articles dans les journaux ou entre des débats de bar. Les progrès vers la fin de la prostitution, ainsi que les tactiques de lutte les plus appropriées et les mener à bien, ou surmonter les contradictions que nous connaissons et qui se reflètent également dans ce texte, ne peuvent se faire que collectivement. Le progrès individuel est une pure illusion. Seule l’organisation nous permet de nous doter des outils nécessaires pour analyser, confronter et avancer. C’est pourquoi nous croyons fermement que ce n’est qu’en organisant et en orientant nos efforts vers la création du parti que nous pourrons prendre des mesures fermes pour mettre fin à la prostitution, au patriarcat et à la société de classe. Par conséquent, nous croyons que ce n’est qu’à travers l’organisation que nous pouvons mener une lutte véritablement efficace contre la marchandisation de nos corps, et contre l’avancée d’un capitalisme qui les pénètre en nous dépouillant de notre humanité et en nous utilisant dans le cadre de ce jeu que les capitalistes ont créé pour continuer à s’enrichir. Il nous apparaît donc comme une nécessité incontournable de nous organiser sur la base des outils qui nous sont propres comme classe et comme genre, si nous voulons arrêter cette offensive criminelle qui nous condamne à l’exploitation, ou nous transforme en marchandises à volonté.

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