Tout le monde est arrivé ?

Frente National de Lucha por el Socialismo (Mexique)

Sommes-nous toutes arrivées ?

Depuis l’arrivée à la présidence de la République de Claudia Sheinbaum Pardo, le discours qu’elle a tenu au niveau national est celui du « nous sommes toutes arrivées », une proclamation qu’elle continue d’utiliser comme la plus grande réussite de l’administration moreniste. Slogan publicitaire d’un parti politique qui a des comptes à rendre au peuple mexicain, qui est arrivé à la présidence dans un contexte de généralisation des protestations populaires et d’application du terrorisme d’État comme politique gouvernementale, ce qui a intensifié les violations graves des droits humains telles que les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires, entre autres ; raison pour laquelle son discours sur le respect des droits humains a trouvé un écho auprès de la population, sans imaginer qu’il jouait avec la douleur du peuple pour accéder à la présidence de la République.

La première chose à clarifier est qu’avec le discours « nous sommes toutes arrivées », vise à effacer ou à concilier la lutte des classes qui sévit dans le pays, résultat de l’appropriation des moyens de production par la bourgeoisie, obtenue par le vol soutenu par la violence de classe déployée contre tous les secteurs populaires. Ce qui existe, c’est une lutte antagoniste, à mort, de la bourgeoisie contre la classe ouvrière.

Même si l’on tente de nier la division de la société en classes sociales, l’évolution des événements dans la société met en évidence cette division, qui marque le cours et la vie des travailleurs des campagnes et des villes. L’intention est d’empêcher les secteurs populaires d’identifier la cause de leurs malheurs et, pire encore, d’empêcher les femmes de la classe ouvrière de voir dans leurs compagnons l’ennemi contre lequel il faut lutter.

La déclaration du gouvernement Morena « Nous sommes toutes arrivées » place les femmes bourgeoises et les femmes de la classe ouvrière sur un pied d’égalité, tentant ainsi d’ancrer dans la mémoire collective l’idée que les femmes sont représentées dans l’administration actuelle, que nous jouissons des droits et libertés politiques que nous confère la Constitution politique des États-Unis mexicains, ce qui revient à glorifier un mensonge répété dans chaque discours présidentiel. La réalité est que nous ne sommes pas toutes arrivées et que nous ne jouissons pas des droits économiques, politiques et sociaux garantis par notre Constitution.

Il faut préciser que les femmes ne constituent pas un secteur spécial ou éloigné des classes sociales, nous partageons une condition commune à la classe ouvrière ou à la classe exploiteuse et oppressive. Les isoler de ces deux grands groupes revient à nier la division de la société en classes sociales et à prendre parti pour la classe qui détient le pouvoir économique, politique et militaire.

Dans notre cas, les femmes qui composent le Front national de lutte pour le socialisme (FNLS) sont conscientes de la classe sociale à laquelle elles appartiennent. Nous savons donc que les conditions actuelles dans lesquelles nous vivons sont générées par l’appropriation des moyens de production élaborés de manière sociale et collective, et que leur transformation profonde sera le fruit de l’unité des hommes et des femmes dans la lutte pour une vie digne.

La pensée et l’action des femmes prolétaires sont différentes des conceptions et des actes des femmes bourgeoises, il est donc grotesque de nous mettre sur le même pied que les femmes qui sont exploiteuses et oppressives. Pour prendre un exemple, citons l’entrepreneuse Ninfa Sada, fille de Ricardo Salinas Pliego, qui a étudié dans une université privée où elle a obtenu une licence en marketing et un master en durabilité et gestion de l’environnement à l’université de Harvard, avant de prendre la direction des entreprises de son père à la fin de ses études universitaires. Elle est actuellement vice-présidente du groupe Salinas et présidente du conseil d’administration de la Fondation Azteca.

D’autre part, nous avons Altagracia Gómez, femme d’affaires, présidente du conseil d’administration du groupe Minsa (considéré comme le deuxième producteur mondial de pâte de maïs) et présidente d’Almer. Au deuxième trimestre 2024, Minsa a réalisé un chiffre d’affaires de 1,727 milliard de pesos, soit une légère hausse par rapport à la même période en 2023, où il était de 1,716 milliard. Les bénéfices réalisés par cette entreprise n’ont rien de comparable avec le salaire que les femmes prolétaires obtiennent en vendant leur force de travail.

Deux exemples qui montrent que toutes les femmes n’y ont pas accès, car dans ces cas-là, il n’y a pas de besoins en matière d’alimentation, d’habillement, de chaussures, de santé, d’éducation, de loisirs, de logement décent et digne, de sécurité… car l’État mexicain en tant qu’institution est un État bourgeois qui représente les intérêts du capital national et transnational. Il est donc absurde et grotesque de déclarer mille fois que nous pouvons toutes accéder à la présidence, c’est comme affirmer que toutes les femmes ont des revenus économiques équivalents à ceux des femmes entrepreneurs, comme Mme Altagracia Gómez, Ninfa Sada, entre autres.

Il suffit pour s’en convaincre de s’approcher des mères en quête de leurs enfants disparus ou de celles qui ont demandé à l’actuelle chef de l’État de prêter attention à leurs revendications économiques, politiques ou sociales et d’y apporter une solution, et qui n’ont obtenu pour toute réponse que l’esquive, la simulation, la bureaucratie, l’indolence, la revictimisation et l’indifférence. Il s’agit là d’aspects importants qui devraient être résolus. Cependant, le refus d’accepter l’existence d’une disparition forcée empêche implicitement les familles des victimes de demander l’ouverture d’une enquête et la recherche des milliers de détenus disparus, afin que le crime puisse suivre son cours.

Les crimes contre l’humanité qui ont arraché un enfant, un frère, un père, un mari restent non élucidés, ce qui aggrave la situation des femmes appartenant à la classe ouvrière. Ce sont principalement les femmes qui sont parties à la recherche d’informations sur leurs proches et qui ont exigé de les obtenir ; des informations qui ne leur parviennent jamais, car les institutions de l’État n’ont pas voulu prendre de mesures efficaces pour connaître la situation et le sort actuel des victimes d’un crime aussi aberrant que la disparition forcée et d’autres crimes contre l’humanité

. Nous, les femmes issues des classes populaires, n’avons pas vu de transformation de nos conditions de vie ; les soins médicaux dans les hôpitaux ne sont pas garantis, l’alimentation à laquelle nous avons accès n’est pas celle dont l’organisme a besoin pour être en bonne santé physique et mentale, l’accès à la culture n’est pas pour toute la population, et encore moins l’éducation pour élever le niveau culturel ; celle-ci se caractérise plutôt par la mutilation de la capacité de réflexion, afin de façonner le sujet dont a besoin le capital monopolistique transnational.

La phrase maintes fois citée « Nous sommes toutes arrivées » est fausse et tendancieuse car elle masque les inégalités économiques, politiques et sociales que vivent les travailleurs des campagnes et des villes du pays, conséquence de la répartition inégale des richesses générées par le peuple travailleur grâce à sa force de travail. Ce n’est pas par décret que les conditions d’existence matérielle vont être différentes de celles que nous avons connues mandat après mandat, et ce n’est certainement pas avec des programmes d’aide sociale que nous obtiendrons la garantie de nos droits économiques, politiques et sociaux.

Les femmes prolétaires ne peuvent pas être mises dans la même position que les femmes qui font partie de la bourgeoisie, car celles-ci, grâce au droit qu’elles s’octroient d’appartenir à la classe exploiteuse, ont l’assurance d’une existence pleine de luxe et de privilèges fondée sur l’exploitation économique, tandis que les femmes qui font partie de la classe ouvrière devons vendre notre force de travail pour un salaire misérable qui ne suffit pas à subvenir à nos besoins fondamentaux, et encore moins à mener une vie digne.

Le fait que la chef de l’État rencontre les femmes issues de la bourgeoisie et ne reçoive pas celles qui réclament justice pour leurs proches victimes de disparitions forcées ou d’exécutions extrajudiciaires témoigne du mépris dont font l’objet les femmes qui exigent et luttent pour connaître la vérité sur la situation actuelle des victimes de disparitions forcées.

Assimiler les conditions de vie des femmes prolétaires à celles des femmes bourgeoises est trompeur et tend à estomper la contradiction entre le capital et le travail afin d’endormir la conscience des masses travailleuses. Nous, les femmes qui faisons partie de la classe ouvrière, ne devons pas oublier le rôle historique que nous sommes appelées à jouer aux côtés de nos camarades, car la transformation en profondeur du régime actuel ne sera possible qu’avec l’unification des efforts conscients et déterminés pour la construction d’une patrie par et pour la classe ouvrière.

Mexico, le 20 octobre 2025

Tinta Socialista n° 171

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