Les États-Unis sont un État narcotique
Depuis des décennies, la Drug Enforcement Administration (DEA) américaine est présentée comme le fer de lance moral de la lutte contre le trafic mondial de stupéfiants. Son image publique – agents d’élite, opérations secrètes, démantèlement de cartels – a été soigneusement construite à travers les médias, les documentaires et les discours politiques.
Cependant, les derniers rapports officiels de l’agence elle-même – le National Drug Threat Assessment (NDTA) de 2024 et 2025 – révèlent une vérité dérangeante : la DEA ne combat pas le trafic de drogue, elle le gère ; elle ne démantèle pas les réseaux criminels, elle les couvre ; et elle ne protège pas les États-Unis contre le crime organisé, elle le légitime.
Les médias occidentaux se réjouissent désormais des révélations que va faire Mayo Zambada, un baron de la drogue mexicain détenu aux États-Unis. Mais apparemment, il ne va accuser que des policiers, des militaires et des politiciens mexicains ou colombiens. Il introduit de la drogue aux États-Unis depuis 40 ans, et il n’aurait pas bénéficié de la complicité d’aucun fonctionnaire américain ? C’est ce que nous sommes censés croire.
Ce travail spécial, basé exclusivement sur les données concrètes et les arguments contenus dans les rapports officiels de la DEA, montre que les États-Unis ne sont pas un État victime du trafic de drogue, mais un narco-État structurel, dont l’économie, le système financier et la politique étrangère sont profondément liés au crime organisé.
En outre, il montre comment la DEA, au lieu d’agir comme une agence de renseignement objective, fonctionne comme un instrument de propagande géopolitique, conçu pour criminaliser des pays comme le Venezuela, la Colombie ou le Mexique, tout en cachant l’ampleur réelle du problème à l’intérieur de ses propres frontières.
Production, consommation et marché made in USA
Autosuffisance dans la production de marijuana hyperpuissante
L’une des conclusions les plus frappantes des rapports de la DEA est l’autosuffisance reconnue des États-Unis dans la production de marijuana. Loin de dépendre des importations, le pays produit en interne toute la marijuana qu’il consomme, tant sur le marché légal qu’illégal.
La DEA le confirme : il existe une politique ambiguë et contradictoire qui autorise l’usage légal dans certains États (comme la Californie, le Colorado ou New York), tout en le maintenant illégal au niveau fédéral et dans d’autres États.
Mais le plus grave n’est pas l’ambiguïté juridique, mais la transformation génétique délibérée de la plante afin d’augmenter sa puissance et son caractère addictif.
Selon le rapport de 2024, la teneur moyenne en THC (tétrahydrocannabinol) est passée de 1 % en 1977 à 16 % en 2022. Cela signifie que le cannabis américain actuel est 15 fois plus puissant qu’il y a cinq décennies, résultat de modifications génétiques visant à maximiser l’effet psychoactif et, par conséquent, la dépendance du consommateur.
Cette augmentation n’est pas un phénomène spontané : elle est le résultat d’une industrie technicisée, financée et autorisée par l’État lui-même. Des laboratoires agricoles, des entreprises de biotechnologie et des réseaux de culture massive opèrent sur le territoire américain, produisant une drogue qui, sous sa forme légale, est partiellement commercialisée, et sous sa forme illégale, inonde les rues sans que la DEA ne parvienne, ou ne veuille, la contenir.
Stabilité du marché illégal : signe de saturation et de contrôle
Le rapport souligne un fait alarmant : le prix du cannabis sur le marché illégal est resté stable pendant des années, malgré l’augmentation exponentielle de sa puissance et le contexte inflationniste général. Cette stabilité indique un approvisionnement complet, des réseaux logistiques efficaces et des marchés saturés.
En d’autres termes, la DEA n’a réussi à interrompre ni la commercialisation ni la consommation. Le marché illégal coexiste avec le marché légal, et les deux fonctionnent comme une économie parallèle qui génère des revenus de plusieurs millions de dollars, échappe à l’impôt et alimente des réseaux de distribution opérant dans les 50 États.
Au lieu de démanteler ces réseaux, la DEA les tolère dans le cadre d’un système qui préfère réglementer plutôt qu’éradiquer.
Cela fait des États-Unis un « paradis de la drogue » : un espace où le cannabis est produit, consommé et commercialisé à grande échelle, sans qu’il existe de politique publique claire pour en contenir l’impact social. Dans ce contexte, la DEA n’est pas un organisme de contrôle, mais un gestionnaire de la normalisation de la consommation.
Une blanchisserie du trafic mondial de drogue
Reconnaissance officielle du rôle central du trafic de drogue dans le système financier
Les rapports de la DEA de 2024 et 2025 admettent et confirment explicitement que les États-Unis sont le nœud central du blanchiment d’argent issu du trafic international de drogue. L’agence reconnaît que :
Il existe de grands blanchisseurs d’argent sur le sol américain qui fournissent des services à des organisations criminelles transnationales.
Les bureaux de change de cryptomonnaies, les portefeuilles numériques, les transferts miroirs, l’achat et la vente de biens mobiliers et immobiliers, ainsi que d’autres mécanismes intégrés au système financier américain sont utilisés.
Les agences immobilières américaines sont utilisées pour investir l’argent de la drogue dans des propriétés de luxe, en particulier dans des zones telles que Miami, Los Angeles ou New York.
Cette reconnaissance est dévastatrice : la DEA admet que son propre pays est le principal centre de blanchiment d’argent du crime organisé mondial.
Une activité marginale ? Jamais : il s’agit d’un système structurel qui implique des institutions financières, des services juridiques, des agents immobiliers et des plateformes numériques.
Détournement de responsabilité : la farce de la « banque clandestine chinoise »
Tout aussi grave que le problème lui-même est la manière dont la DEA le présente. Au lieu d’assumer ses responsabilités, l’agence préfère blâmer les « systèmes bancaires clandestins chinois » (Chinese underground banking systems), comme si ceux-ci étaient les principaux responsables du blanchiment d’argent.
Cette accusation est stratégique : elle permet de disculper le système financier américain, ses régulateurs et ses institutions de contrôle, tout en rejetant la faute sur un ennemi géopolitique. La DEA affirme (2024) que :
« Les initiatives des forces de l’ordre visant à détecter, prévenir et poursuivre le blanchiment d’argent sont compliquées par la diversité ou l’inexistence de réglementations dans les institutions financières étrangères, le volume important de transactions financières qui ont lieu quotidiennement, les stratégies et les tromperies utilisées par les cartels mexicains et d’autres organisations de trafic de drogue pour dissimuler l’origine criminelle de leurs profits, et l’utilisation de technologies cryptées ».
Cette déclaration est une imposture méthodologique. Si les États-Unis sont le principal centre de blanchiment, la responsabilité incombe à leurs propres institutions, et non à la prétendue opacité des banques étrangères. Le volume des transactions, les cryptomonnaies et les technologies cryptées opèrent au sein du système financier américain, et non en dehors de celui-ci.
En rejetant la responsabilité sur des tiers, la DEA protège le véritable cœur du problème : l’État américain lui-même.
L’absence du Venezuela dans les rapports
Omission systématique dans les cartes du trafic de drogue
L’un des principaux arguments contre le discours interventionniste des États-Unis est l’absence totale du Venezuela dans les rapports de la DEA sur les menaces. Bien que le gouvernement Trump et d’autres secteurs politiques aient accusé à plusieurs reprises le Venezuela d’être un « État narco », la DEA ne mentionne pas le pays comme producteur, corridor ou centre de blanchiment d’argent.
Au contraire, les rapports détaillent avec précision les itinéraires du trafic de drogue :
La cocaïne est produite en Colombie, au Pérou et en Bolivie.
Elle est transportée par des cartels mexicains à travers l’Amérique centrale, ou par voie maritime vers des îles des Caraïbes telles que Porto Rico et la République dominicaine.
La plupart des saisies ont lieu en Californie, à la frontière avec le Mexique.
Le Venezuela n’apparaît dans aucune de ces routes. Pas même comme un point secondaire ou alternatif. Ce silence n’est pas fortuit : il prouve de manière irréfutable que l’accusation est fausse.
Le « Train d’Aragua » : une mention marginale et propagandiste
La seule référence au Venezuela dans les rapports récents concerne le « Train d’Aragua », un gang criminel qui a été déclaré « organisation terroriste » par Biden en 2023. Cependant, comme le souligne le document, même dans ce cas, il n’est pas lié au trafic international de drogue. Son inclusion dans le rapport de 2025 semble davantage être une justification a posteriori d’une désignation politique qu’une conclusion fondée sur des renseignements.
En outre, le rapport ne détaille pas les opérations de trafic, les itinéraires logistiques ou les liens avec les cartels internationaux. Il s’agit d’une mention symbolique, destinée à maintenir le discours selon lequel le Venezuela est un foyer d’insécurité, sans apporter de preuves concrètes.
Cette approche révèle une stratégie de stigmatisation sélective : le nom d’une organisation locale est utilisé pour justifier une étiquette globale (« terrorisme »), sans démontrer qu’elle répond aux critères de cette classification.
Le « Cartel des Soleils » : une fiction propagandiste
Le soi-disant « Cartel des Soleils » n’apparaît dans aucun rapport de la DEA, ni dans celui de 2024, ni dans celui de 2025, ni dans aucun autre rapport antérieur.
Il n’y a pas de noms, de structures, d’opérations, ni même de mention indirecte. Il s’agit d’une construction purement propagandiste, inventée dans les « tables rondes » politiques par le gouvernement américain, l’extrême droite vénézuélienne et certains secteurs de la droite internationale.
Le plus significatif est que, si la DEA omet complètement cette fiction, elle détaille avec précision les structures de commandement des cartels réels. Cette différence est essentielle : la DEA décrit ce qui existe, pas ce qui est inventé.
Le fait qu’elle ne mentionne pas le « Cartel des Soleils » est une preuve irréfutable qu’il n’existe pas. Et s’il n’existe pas pour la DEA, il ne peut exister comme justification pour des sanctions, des menaces ou des interventions.
Le narcotrafiquant est ailleurs
Le document mentionne également que l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) confirme ce que la DEA omet : le Venezuela n’est pas un pays producteur de drogue. Cette corroboration internationale est fondamentale, car elle provient d’une entité qui n’est pas subordonnée au gouvernement américain et qui effectue des évaluations techniques basées sur des données mondiales.
Le fait que la DEA et l’ONU s’accordent à dire que le Venezuela ne produit pas, ne transporte pas de manière significative et ne blanchit pas l’argent du trafic de drogue fait de cette affirmation un fait établi, et non une opinion politique. Toute accusation contraire relève donc de la désinformation.
La DEA comme outil de guerre géopolitique
D’agence antidrogue à bras armé de la politique étrangère
La DEA n’agit pas comme une agence technique, mais comme un instrument de domination géopolitique. Ses rapports, loin d’être objectifs, reflètent les intérêts stratégiques du gouvernement américain. La criminalisation du Venezuela obéit à plusieurs objectifs :
Justifier les sanctions illégales qui ont dévasté l’économie vénézuélienne.
Déstabiliser un gouvernement indépendant qui résiste à l’hégémonie américaine en Amérique latine.
Accéder aux réserves énergétiques du Venezuela, qui possède les plus grandes réserves de pétrole au monde.
Comme l’a déclaré la vice-présidente Delcy Rodríguez, il s’agit d’une « grossière ruse » pour s’emparer des richesses du pays sous prétexte de lutter contre le trafic de drogue. Mais les propres rapports de la DEA démystifient ce mensonge.
Silence complice
Les documents soulignent un fait particulièrement grave : la DEA ne mentionne pas un seul cas de corruption parmi les fonctionnaires américains liés à l’entrée de drogues dans le pays. Au contraire, elle pointe du doigt des fonctionnaires de bas rang au Mexique, en Colombie et dans les pays d’Amérique centrale, les accusant de collaborer avec les cartels pour faciliter le trafic vers les États-Unis.
Ce contraste est scandaleux. Si, comme l’affirme la DEA, les cartels mexicains « dictent le flux de presque toutes les drogues illicites vers les États-Unis », et si ces drogues entrent massivement par la frontière sud, par les ports et les aéroports, il est absolument impossible qu’elles le fassent sans la complicité des agents des douanes, des policiers frontaliers, des militaires, des transporteurs ou des fonctionnaires locaux ou étatiques.
L’idée qu’un système de trafic de milliers de tonnes de cocaïne, de fentanyl et de méthamphétamines puisse fonctionner sans infiltration dans les institutions américaines est une moquerie de la logique.
Le silence de la DEA sur ce sujet n’est pas un vide d’information : c’est un acte délibéré de dissimulation institutionnelle. Révéler la corruption au sein du système frontalier, de l’immigration ou de la sécurité nationale mettrait en péril la légitimité de l’État lui-même.
C’est pourquoi l’agence préfère projeter la corruption vers le sud, préservant ainsi l’image d’une Amérique « vulnérable mais propre », tandis que le véritable cancer se développe de l’intérieur.
Hypocrisie méthodologique
L’un des aspects les plus révélateurs des rapports de la DEA est son double standard méthodologique. Alors que l’agence omet complètement toute référence au Venezuela, même sur des questions mineures, elle consacre de longues sections à décrire avec une précision chirurgicale les structures internes des cartels mexicains.
Les rapports de 2024 et 2025 ne se contentent pas de nommer les dirigeants du cartel de Sinaloa et du cartel de Jalisco Nueva Generación (CJNG), ils détaillent également leurs pseudonymes, leurs hiérarchies, leurs réseaux opérationnels et leurs emplacements géographiques spécifiques au Mexique. Ils mentionnent même la manière dont ces groupes exercent leur « domination » sur le trafic de drogue dans les 50 États américains.
Ce niveau de détail n’est pas le fruit du hasard : c’est un outil de légitimation de l’interventionnisme. En présentant les cartels mexicains comme des entités hautement organisées, avec des structures claires et des dirigeants identifiables, la DEA construit un récit de menace extérieure qui justifie les opérations secrètes, la coopération militaire, les extraditions et la pression diplomatique.
Cependant, cette minutie disparaît lorsqu’il s’agit d’analyser les structures internes du trafic de drogue aux États-Unis : il n’y a pas de cartes des réseaux de distribution dans des villes comme Chicago, Detroit, Los Angeles ou Atlanta ; il n’y a pas de noms de blanchisseurs d’argent à Miami ou à New York ; il n’y a pas d’enquêtes sur l’infiltration de l’argent de la drogue dans le système financier de Wall Street.
En d’autres termes, la DEA sait comment fonctionnent les cartels étrangers, mais feint d’ignorer les mécanismes qui opèrent sur son propre territoire. Cette asymétrie n’est pas technique : elle est politique. Elle sert à blâmer l’extérieur tout en protégeant l’intérieur.
Le véritable « cartel du Nord »
La phrase de la vice-présidente exécutive Delcy Rodríguez – « La planète entière sait que le véritable cartel se trouve au Nord » – n’est pas une exagération. C’est une vérité documentée par la DEA elle-même.
Car les États-Unis :
Produisent de la marijuana hyperpuissante.
Consomment la plus grande quantité de drogues au monde.
Blanchissent l’argent du trafic de drogue mondial.
Protègent leurs institutions tout en criminalisant les autres.
Utilisent la DEA comme un organisme légitimant leur domination.
C’est le profil d’un narco-État fonctionnel, où le trafic de drogue n’est pas un phénomène marginal, mais une structure intégrée au système économique, financier et politique.
La DEA n’est pas une agence de renseignement objective. C’est un instrument de pouvoir doux et dur, conçu pour :
Reconnaître partiellement les problèmes internes (production de marijuana, blanchiment d’argent), mais sans assumer de responsabilité.
Blâmer des tiers (banques chinoises, cartels mexicains, fonctionnaires centraméricains) pour disculper le système américain.
Inventer des menaces fictives (« Cartel des Soleils ») pour justifier des sanctions et un harcèlement géopolitique.
Omettre délibérément des pays indépendants (Venezuela) afin de ne pas avoir à reconnaître leur souveraineté ni leur innocence.
Dans ce contexte, la DEA ne lutte pas contre le trafic de drogue : elle le gère, le normalise et l’utilise comme un outil de domination. Son plus grand crime n’est pas son inefficacité, mais son hypocrisie institutionnalisée.
La farce mise en évidence par les propres documents de la DEA expose le cœur pourri de l’ancien empire, qui a commis l’une des plus grandes supercheries du XXIe siècle après avoir été pendant des décennies un champion moral et exemplaire.
Le trafic de drogue ne se combat pas par des invasions, des sanctions ou de fausses accusations. Il se combat par la transparence, la justice et la responsabilité.
Et la première responsabilité incombe aux États-Unis : s’ils veulent vraiment lutter contre l’économie des stupéfiants illégaux, ils doivent cesser de se poser en victimes et assumer leur rôle de complices et de premiers bénéficiaires. Mais ils ne le feront pas, car une activité rentable fait rarement faillite de son plein gré.
En attendant, la DEA restera moins une agence de lutte contre la drogue qu’un instrument de légitimation du trafic de drogue américain.