supernova N5 2024
Comment s’est créée votre section syndicale ?
Dans le collectif précaires-chomeurs de Marseille (un collectif actif à Marseille depuis deux ans maintenant), il y a des personnes qui travaillent dans le secteur de l’hôtellerie et restauration, et connaissant personnellement les problèmes du secteur. Nous avons décidé d’intervenir directement en essayant de créer une section au sein du syndicat SUD-Solidaire qui s’occuperait de ce secteur. Le syndicat SUD hôtellerie restauration existe depuis quelques années à Marseille. La section syndicale au sein de NH par contre est récente. Nous avons commencé au NH de Marseille (NH est une multinationale espagnole qui fait partie d’un groupe qui possède des hôtels dans le monde entier)1. En septembre (2023), dans un délai très court, nous avons réussi à participer aux élections et à obtenir suffisamment de voix pour avoir légalement une représentation au sein de l’hôtel, et nous essayons de créer de nouvelles sections syndicales dans d’autres hôtels de Marseille afin d’avoir de plus en plus de force. L’action du collectif précaires-chômeurs a été fondamentale, du général (précarité généralisée) nous sommes passés, avec les travailleurs de l’hôtellerie et de la restauration, à un travail spécifique sur un secteur de travail, en créant le syndicat.
Quelles sont les conditions de travail aujourd’hui dans le secteur de la restauration ?
Le problème dans ce secteur est lié à la crise du travail, les propriétaires ou les patrons qui travaillent pour de grandes entreprises nous rappellent toujours que nous devons les remercier parce qu’ils nous donnent du travail…. et que c’était pire avant. Ou bien ils rappellent aux travailleurs immigrés qu’ils ont de la « chance » d’avoir un emploi.
Ainsi, s’il faut faire des heures supplémentaires (non rémunérées), ne pas prendre de pauses (une obligation légale) ou travailler avec des horaires fractionnés 4,5 fois par semaine, selon les patrons, nous devrions les remercier…. Ces dernières années, notre secteur a également été touché par une rhétorique créée par des programmes télévisés : travailler dans la restauration est difficile et il faut « avoir le corps », mais c’est très satisfaisant…. (en particulier les bénéfices pour les propriétaires). Le harcèlement est également presente dans ce secteur comme dans les casernes militaires.
Cependant, ce qui enerve plus les travailleurs, ce ne sont pas les horaires épuisants ou les bas salaires, mais le manque de respect à leur égard, l’infantilisation dont ils font l’objet de la part des patron ou des managers avec lesquels ils travaillent.
Quelle est la composition des travailleurs dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration aujourd’hui ?
Je ne connais pas les statistiques exactes, mais il nous semble que la majorité des travailleurs sont jeunes, avec un nombre élevé d’immigrés, et une présence importante de femmes. Les femmes sont souvent placées dans les emplois les plus bas.
Il est clair, cependant, qu’il y a une énorme différence entre le chef cuisinier ou le directeur d’hôtel et les travailleurs des cuisines ou des hôtels.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans la syndicalisation du secteur de l’hôtellerie et de la restauration ?
Pour répondre à cette question, il faut diviser la réponse en trois. Car les difficultés sont multiples.
1) Le secteur de l’Hôtellerie et de la Restauration est caractérisé par une forte précarité et du travail non déclaré (dans le cas des petits restaurants), ce qui rend la syndicalisation compliquée.
2) Les travailleurs, incapables de briser la cage de la “guerre des pauvres ». Ils se croient « libres » et pensent pouvoir résoudre individuellement les problèmes sur le lieu de travail. Il y a un retard général dans la connaissance de leurs droits. Un mécanisme d’acceptation du « paternalisme » des patrons, de conformisme, survit ainsi. La force, l’unité, la solidarité entre les travailleurs font parfois peur aux travailleurs eux-mêmes.
3) Les syndicats sont divisés. Le fédéralisme est pratiqué en leur sein, ce qui permet aux catégories économiquement les plus fortes de régner sur les plus faibles. Il en résulte une division de classe au sein même des syndicats. Les travailleurs précaires, les syndicats qui organisent les secteurs ouvriers, sont les plus désavantagés dans ce mécanisme. La solution n’est pas le localisme, mais de commencer à penser à des formes d’organisation générale des travailleurs, à des syndicats qui prennent en charge la syndicalisation des nouvelles masses précaires et des secteurs ouvriers à un niveau général. Dans notre secteur, mais aussi dans beaucoup d’autres, il y a une différence abyssale entre les travailleurs « précaires » et les travailleurs « permanents », entre ceux qui travaillent dans les petits hôtels ou restaurants et ceux qui travaillent dans les grandes chaînes hôtelières. Pour que la nouvelle syndicalisation soit efficace, nous devons comprendre les différents besoins et espaces d’action. Les slogans appelant à l’union des travailleurs nous apparaîssent comme “stupide et vain” alors qu’ils sont incapables de proposer des solutions immédiates aux travailleurs.
C’est le plus grand défi que nous ayons à relever en tant que syndicat (SUD Hôtellerie et Restauration).
1 Groupe minor hotel qui a racheté Nh gros investisseur en Asie, Afrique et qui depuis 2018 prend des parts de machés importantes en France. Minor International (MINT) est un groupe international axé sur trois activités principales : l’hôtellerie, la restauration et la distribution de marques de style de vie. MINT est un propriétaire, exploitant et investisseur hôtelier avec un portefeuille de 536 hôtels sous les marques Anantara, AVANI, Oaks, Tivoli, NH Collection, NH Hotels, nhow, Elewana et Minor International dans 55 pays d’Asie Pacifique et du Moyen-Orient, Afrique, Océan Indien, Europe, Amérique du Sud et du Nord.
MINT est également l’une des plus grandes entreprises de restauration d’Asie, avec plus de 2 200 points de vente dans 26 pays sous les marques The Pizza Company, The Coffee Club, Riverside, Benihana, Thai Express, Bonchon, Swensen’s, Sizzler, Dairy Queen et Burger King. MINT est l’un des plus grands distributeurs thaïlandais de marques de style de vie et de fabricants sous contrat. Ses marques incluent Anello, Bodum, Bossini, Brooks Brothers, Charles & Keith, Esprit, Etam, Joseph Joseph, OVS, Radley, Scomadi, Zwilling J.A. Henckels et Minor Smart Kids.