Au cours de l’évolution du capitalisme la concentration du capital a constamment évolué jusqu’à la situation actuelle où un nombre réduit de groupes économiques contrôlent des milliers de petites et moyennes entreprises reléguées au rôle de simples ‘ateliers’ au service des grands groupes. La diminution du nombre d’usines ne signifie pas une réduction de l’importance du modèle industriel organisé par entreprises. A l’époque capitaliste le modèle industriel organisé par entreprises correspond à la division du travail, il est donc présent dans tous les secteurs, de la production industrielle à la production agricole, de la distribution aux services. La manufacture, la grande industrie et les industries informatisées modernes représentent les étapes successives d’un processus de développement qui a vu l’application de technologies différentes aux procès de productions. Ces technologies, potentiellement réductrices du temps de travail humain et d’amélioration des conditions de travail dans la société capitaliste, servent en fait à un renforcement de l’asservissement du prolétariat et de l’espèce humaine dans son entier, par la soumission au parasitisme socio-économique bourgeois généré par le ‘monstre’ capital.
Le développement capitaliste, lié en ultime instance au profit, produit cependant son antithèse: le développement et la composition organique du capital toujours croissante, amènent en conséquence la baisse du taux de profit.
La composition organique du capital est le rapport entre capital constant (c) et capital variable (v). Le capital constant correspond à la valeur du capital incorporé dans la valeur des produits finis utilisés dans le processus productif. Le capital variable est la fraction du capital utilisé pour les salaires de la force de travail. Ce rapport mesure donc la valeur des machines utilisées par rapport au nombre d’ouvriers employés à un certain salaire dans le processus productif. Si la part de capital utilisée à l’achat de machines et de matières premières augmente, la composition organique augmente. Au contraire toute augmentation du capital variable la fait diminuer, faisant ainsi augmenter le taux de profit. Ce dernier peut être défini comme le rapport entre plus-value et capital investi. De par sa nature le capital est poussé à toujours accumuler de nouveaux moyens de production (la composante(c) de la composition organique du capital). L’augmentation du capital variable (v) (l’unique composant générateur de plus-value) trouve lui des limites physiques et sociales (l’augmentation totale de la population ouvrière, etc.). Ils’ensuit que sur une longue période le taux de profit est destiné à diminuer, c’est pourquoi nous parlons de la cute tendancielle du taux de profit. Pour le marxisme-leninisme cette contradiction produite par le capitalisme se résume dans cette formule: le travail mort (les machines) dévore le travail vivant (les travailleurs). Cette procès rend le capitalisme obsolète et malade. C’est en même temps la démonstration que le communisme n’est pas une idée mais une force matérielle, c’est le nouveau qui se fraye son chemin et combat l’ancien. Pour survivre, les entreprises doivent croître (concentration et monopole). Elles sont donc contraintes à affronter la concurrence en réduisant les coûts de fabrication. A cette fin, elles recherchent constamment à obtenir des systèmes productifs dont le but unique est d’augmenter le profit et non d’améliorer les conditions de vie des prolétaires. C’est ainsi qu’on doit lire l’introduction de technologies informatisées qui ont ouvert la voie à un taux d’autonomisation élevé dans de nombreuses phases de la production de marchandises les plus variées.
Le capitalisme se caractérise par une augmentation drastique de la surproduction de marchandises invendue et du chômage de la force de travail. Les technologies et les systèmes de production sont à la base de la substitution de capital variable, c’est à dire la force de travail humaine, par du capital constant, c’est-à-dire des machines. Ce développement continuel du progrès technique ne se traduit pas par un progrès social mais par une plus grande ouverture des ciseaux, rendant toujours plus ‘misérable’ et névrotique la vie des êtres humains écrasés par ce “progrès technique”. Si nous prenons comme exemple la question du logement et de l’urbanisme en général, nous voyons qu’aujourd’hui des millions d’êtres humains sont contraints de vivre dans des espaces de plus en plus petits au sein des villes modernes…
Les économistes regardent avec préoccupation l’ouverture des ciseaux entre production et travail. La tendance montre que l’augmentation des investissements et la croissance de la productivité sont accompagnés de la perte de postes de travail. Cette préoccupation naît exclusivement de la peur que des fractions de la société ne redeviennent des‘classes dangereuses’. Le chômage n’est pas réabsorbé et le système économique rencontre des difficultés croissantes à faire face à la nouvelle demande de travail, avec en conséquence l’augmentation du nombre de jeunes à la recherche d’un premier emploi. Cette situation semble se gripper et le secteur tertiaire tant vanté ne semble plus en état d’absorber l’excédent croissant d’êtres humains en âge de travailler. La concentration urbaine et l’industrialisation relative de l’agriculture accélèrent le phénomène. Les métropoles modernes augmentent constamment de population, élargissant le nombre des prolétaires sans réserves. Nous avons deux premières explications sur le fait que les entreprises ont eu besoin d’un changement du cadre idéologique et normatif concernant les lois du travail: l’utilisation massive de contrats ‘atypiques’ directement proportionnels à l’incapacité du système à absorber une force de travail en augmentation constante. Précarité par ailleurs utile pour extraire de la force de travail employée des profits plus élevés. Les raisons profondes des modifications des rapports de force doivent être recherchées dans l’accélération de la circulation du capital caractérisant la phase actuelle du capital qui se traduit sur le plan productif par la flexibilité. Cette accélération fait vaciller la stabilité du capital qui à son tour exige la déstabilisation de toute rigidité du travail.
Le processus productif actuel est donc un facteur d’accélération des contradictions internes socio-économiques du capitalisme et de ses effets dérivés. La surproduction de marchandises et la force de travail au chômage raccourcissent le chemin poussant à la solution traditionnelle de la crise, à savoir la destruction de la sur accumulation de capital (sous forme de marchandises et de machines) et de la force de travail en excès : la guerre impérialiste. Les contre-tendances élaborées par la bourgeoisie sont un mélange de vieux populisme et de keynésianisme. On a les grands de l’industrie et de la politique, effrayés par les taux de chômage et les inégalités sociales qui se profilent à l’horizon et proposent de taxer les machines, de ‘contrôler’ la finance jusqu’à en arriver à ceux qui parlent directement de protectionnisme économique. Après des années de ‘moins d’Etat et plus de marché’, presque tous sautent sur le char de ‘plus d’Etat et moins de marché international’, oubliant que l’Etat est et a toujours été l’instrument du système capitaliste depuis ses origines libérales.
Le débat entre protectionnisme (étatique) et ‘libéralisme’ n’est pas nouveau. Marx déjà en 1848 met en lumière les ambiguïtés d’une telle opposition dans son texte Discours sur la question du libre-échange renversant l’ordre des facteurs en utilisant l’arme de la dialectique:«Ne croyez pas, messieurs, qu’en faisant la critique de la liberté commerciale nous ayons l’intention de défendre les système protectionniste. On se dit ennemi du régime constitutionnel, on ne se dit pas pour cela ami de l’ancien régime.D’ailleurs, le système protectionniste n’est qu’un moyen d’établir chez un peuple la grande industrie, c’est-à-dire de le faire dépendre du marché de l’univers, et du moment qu’on dépend du marché de l’univers on dépend déjà plus ou moins du libre-échange. Outre cela, le système protecteur contribue à développer la libre concurrence dans l’intérieur d’un pays. C’est pourquoi nous voyons que dans les pays où la bourgeoisie commence à se faire valoir comme classe,en Allemagne, par exemple, elle fait de grands efforts pour avoir des droits protecteurs. Ce sont pour elle des armes contre la féodalité et contre le gouvernement absolu, c’est pour elle un moyen de concentrer ses forces, de réaliser le libre-échange dans l’intérieur du même pays.Mais en général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l’extrême l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C’est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange».
Il existe une corrélation entre Etat et Capital: l’Etat agit en tant que superstructure politique (le monopole de la violence) et pour tenter de contrôler l’anarchie naturelle du marché produite par le capital lui-même. Cette corrélation existe également entre le capital fictif (la finance) et le capital productif. Au sein du système capitaliste l’un ne peut exister sans l’autre. Dans l’analyse du mode de production capitaliste Marx l’appelle capital fictif en opposition mais dans le même temps en relation avec le capital employé dans la production de marchandises: le cycle de valorisation argent-marchandise-argent-nouvelles marchandis es-plus d’argent…
Les bourgeois ne peuvent pas changer le cours de l’économie, déterminé par les lois du capital. Lorsque Marx parle de ‘tendance historique de la baisse du taux de profit’ et admet qu’elle peut être freinée, il ne le fait pas pour laisser place à l’indéterminisme ou au libre arbitre. Il le fait pour souligner que cette loi – comme toute loi– est une moyenne, certes ‘abstraite’ mais inexorable, et qui, étant donné les multiples contradictions du capitalisme, ne se réalise qu’avec de profondes variations. La réalité est toujours pire que la loi. Au lieu d’aplanir les inégalités le capital fait tout pour les susciter. Par exemple freiner la chute du taux de profit ne signifie pas qu’elle se réalise de manière égale pour tous mais renverser la tendance pour l’un aux dépends de l’autre, et ceci pour une période, pour un secteur d’activité, pour une nation, etc., préparant ainsi une nouvelle chute plus grave, la moyenne s’abaissant… Toute ‘intervention’ d’un côté aggrave la situation de l’autre. Le capital, du fait d’un taux de profit toujours en baisse, ne peut faire autrement que d’accumuler une masse toujours croissante de profits et est obligé de surproduire pour compenser la chute par une augmentation de la masse des profits. Ceci permet de ralentir les crises mais entraîne une surproduction dont l’industrie militaire constitue l’exemple le plus évident. La surproduction devient explosive. La violence potentielle se transforme en violence active et explose… Mais la violence potentielle n’est pas moins forte que la violence réelle. Les crises, au cours des périodes de “paix du capitalisme”, sont à peine moins graves que celles des périodes de guerre. Le grand bussiness, pour le capitalisme hégémonique, les Etats-Unis, reste comme toujours celle de la guerre. Cependant ce qui distingue la période sénile du capitalisme de son enfance n’est pas la guerre ou la paix mais le ralentissement de la croissance suite à la chute tendancielle du taux de profit. La production industrielle du capitalisme jeune croît rapidement, celle du capitalisme âgé lentement…
Cela conduit à une polarisation sociale accrue et à une destruction de plus en plus rapide de la planète. Ce serait toutefois une erreur de penser que ces mécanismes sont automatiques et capables de développer spontanément une rupture révolutionnaire. Une première étape, mais fondamentale, reste celle de définir notre espace et notre classe sociale, ce qui peut guider et briser le cage de cette vieille monde. Nous avons concentré notre attention sur le prolétariat sans réserve des métropoles impérialistes, aujourd’hui de plus en plus dé-intégré. Se concentrer sur ce secteur ne signifie pas ignorer la composition diversifiée de le masse populaire. Mais il faut comprendre de manière créative et non stéréotypée le caractère central d’un secteur par rapport à un autre. Conquérir et hégémoniser cette partie de la classe -les prolétaires sans réserves- est aujourd’hui pour nous le travail politique central : au sein des syndicats, dans les quartiers populaires… Construire des formes d’organisation pour ce « nouveau » prolétariat urbain, c’est ce que nous appelons organiser l’autonomie prolétarienne aujourd’hui.
Supernova, avril 2025