Critique de l’opéraisme: Mario Tronti

supernova n.3 2023

Dans ce numéro de Supernova, nous poursuivons la critique du courant operaïste italien1.

Si dans un premier texte nous nous sommes concentrés sur les origines historiques et les principes fondamentaux à travers la pensée de Ranerio Panzieri, ce deuxième texte présente une critique à partir du « manifeste » politique et conceptuel de l’opéraïsme, à partir de l’ouvrage « Ouvrier et Capital »2, de Mario Tronti3, intellectuel, philosophe italien des années 1960.

Nous tentons de dégager à partir de ce « manifeste » des postulats qui nous ont paru important de présenter au vu des résurgences idéologiques qui s’expriment dans la période actuelle.

Le texte de Tronti repose sur un postulat fondamental : au commencement était la classe ouvrière, le capital n’est que sa créature.

«Son existence en tant que classe, c’est à dire sa présence comme réalité antagoniste à tout le système capitaliste, son organisation en classe révolutionnaire, ne la lient pas au mécanisme de ce développement : ils l’en affranchissent et l’y opposent. Au contraire, plus le développement capitaliste progresse, plus la classe ouvrière peut devenir autonome par rapport au capitalisme ; plus le système se perfectionne plus la classe ouvrière doit devenir la contradiction majeure interne au système, au point d’en rendre impossible la survie et de rendre possible et donc nécessaire la rupture révolutionnaire qui le liquide et le dépasse.»

Pour Tronti, l’antagonisme entre capital et travailleurs est présent, il y a une classe (le prolétariat) déjà pleinement consciente d’elle-même et de ses propres intérêts, et de l’autre, la classe capitaliste, au « pouvoir ». La classe ouvrière, selon ce premier postulat, a un avantage inestimable sur le capital. Comme si la classe ouvrière, par sa force de travail et productive n’était pas soumise aux mouvements du Capital. Il existerait une classe ouvrière qui produirait tout (même le capital) et qui par la conscience de sa force de travail pourrait imposer un autre ordre au capitalisme. Comme si celle-ci n’était pas elle même soumise à cet ordre complexe, avec ses contradictions internes.

La classe ouvrière utiliserait cette  » priorité historique  » et cette conscience d’elle même pour  » imposer par la force ses propres mouvements au capital « .

Cette classe ouvrière d’emblée autonome, consciente, convaincue, au lieu de supprimer le capital, déciderait de développer le Capital et lui imposerait « par la force » ( ?), « ses propres mouvements » ( ?).

L’axiome fondamental n’est ni plus ni moins une affirmation. Aucune démonstration rationnelle n’est nécessaire. Ce postulat premier repose sur une croyance. A partir de ce postulat fondamental, des raisonnements et analyses rationnels sont induits et justifiés par des faits historiques et matériels.

Or dans les sciences sociales, il n’y a pas de démonstrations, mais il y a des faits.

L’opéraïsme repose donc sur un premier postulat -la priorité historique et consciente de la classe ouvrière-, mais aucune explication scientifique, par le biais de faits historiques n’est présentée.

L’essence de la classe ouvrière est affirmée métaphysiquement, et cela suffit. Il s’agit d’un fondement reposant sur l’existence d’une force surnaturelle, d’une sorte d’instinct créateur d’où tout naît4.

La « science des travailleurs », comme se nomme l’opéraïsme théorique, a un point de départ irrationnel.

Marx et Lénine, par leurs analyses et leurs recherches sur les processus du mode de production capitaliste et l’expérience quotidienne des prolétaires ont justement montré le contraire de ce postulat premier.

Le capitalisme est le résultat d’un long processus de développement dans lequel, à travers une série de bouleversements dans les relations sociales de production, la transformation des instruments de production et, la création du marché mondial – tous deux produits par la poussée du capital naissant -, les outils et les conditions de travail entre les mains de la classe capitaliste d’une part, et la force de travail, qui n’est que formellement entre les « mains » de la classe ouvrière, d’autre part, ont été séparés et contrastés.

Le prolétariat – qui provient historiquement de la masse des paysans et des artisans – est séparé des instruments de production par une initiative bourgeoise « violente ».

Le prolétariat est obligé de se vendre sur le marché comme n’importe quelle autre marchandise. Avec la division sociale du travail capitaliste, il n’a d’autre choix que de se procurer ses moyens de subsistance s’il veut continuer à vivre.

Bien qu’obligée de se considérer comme une force de travail par la coercition économique dans laquelle elle vit depuis le début, la classe ouvrière entre dans un échange apparemment libre, puisque cet échange n’a pas lieu, en règle générale, sous les contraintes et les asservissements du droit féodal.

La condition d’égalité formelle entre vendeur et acheteur de la force de travail donne une apparence de libre contrat à l’échange sur lequel repose la société capitaliste : l’achat et la vente de force de travail.

Forme libre, mais substance coercitive. La coercition, en effet, ne se situe pas d’abord dans la sphère extra-économique (le droit, l’État, etc.), qui sera cependant de plus en plus renforcée avec le temps pour protéger la relation d’exploitation, mais fonctionne comme une loi propre à une certaine division sociale du travail, héritée des sociétés de classes antérieures et révolutionnée par le jeune capitalisme.

Dans le cadre des rapports capitalistes de production et de reproduction, la force de travail est exploitée et dominée, surtout au début, lorsqu’elle ne dispose pas encore des instruments organisationnels primordiaux, c’est-à-dire des premières formes de coalition pour négocier le prix de la force de travail et les conditions de son utilisation par le capital5.

La classe ouvrière, contrairement au postulat posé par Tronti, est dès le départ force de travail, elle est exploitée, elle est marchandise, objet et non sujet, dominée et non dominante. Bien que sous une forme particulière et contradictoire, elle soit une partie du capital et la source exclusive (mais dépossédée) de la valorisation capitaliste.

La thèse de Tronti est donc fausse dans la mesure où elle occulte l’histoire de l’accumulation originelle. Elle s’avère encore plus fausse si on la rapporte au développement historique et au présent du mode de production capitaliste.

La caractéristique du mode de production capitaliste est, par la révolution incessante des moyens de production (au lieu de les garder intacts, comme c’était le cas avec les modes de production précédents), par la mise en place du commerce et de l’échange, l’élimination de toutes les limites du marché et de toutes les relations sociales qui s’opposent à sa soif de profits.

La bourgeoisie n’a pas trouvé un prolétariat « tout fait », produit du féodalisme, même si elle s’est servie à l’intérieur de la décomposition du féodalisme.

Marx souligne que la bourgeoisie l’a créée,  » engendrée  » en dissolvant les anciennes classes et relations sociales dans leur constitution économique et juridique. La bourgeoisie a « modelé » la classe selon ses propres besoins en tant que pure et simple force de travail, capacité de travail abstraite, classe exploitée sans réserve. Telle est, du début à la fin du capitalisme, la condition de la classe ouvrière et du prolétariat en général. Marchandise, objet, classe exploitée et assujettie.

Hormis lors des révolutions et des assauts révolutionnaires, dans les luttes où il s’exprime réellement un antagonisme. Dans ces cas -et seulement dans ces cas-, le prolétariat agit réellement comme un sujet à part entière, autonome.

Alors le prolétariat n’agit pas, pour et par le développement du capital, mais pour sa suppression, la destruction de tous ses fondements : la marchandise et l’argent, le travail salarié et le profit, la division sociale du travail, la division technique du travail et l’entreprise comme unité de production indépendante, l’État et la famille, etc……

Quand il est pour lui-même, « autonome » le prolétariat fait exactement le contraire de ce que veut dire Tronti : il ne développe pas le capital, il le détruit, pour l’établissement d’une libre association de producteurs.

La société moderne adviendra, à condition de détruire le capital en tant que relation sociale et en tant que structure politique, distincte de l’oppression, de la soumission formelle.

Le postulat principal de l’opéraïsme est donc faux, tant sur le plan historique (lorsqu’il se réfère à la condition sociale habituelle du prolétariat dans le capitalisme) que sur le plan politique (car il attribue le développement du mode de production capitaliste à l’action concentrique de la classe ouvrière, alors que celle-ci, lorsqu’elle a agi consciemment, a agi en sens inverse).

Une vision de la classe mythologique, théologique

Tronti fait part d’une étrange « spiritualité » imaginant que, pour la première fois dans l’histoire, une classe exploitée a pris le caprice masochiste de reproduire consciemment la classe exploiteuse.

Les esclaves se sont battus pour éliminer les propriétaires d’esclaves. Les paysans serfs, semi-serviteurs ou semi-prolétaires se sont soulevés, depuis l’époque de l’empereur chinois Wang Mani (45 av. J.-C. – 23 av. J.-C.), pour en finir avec les propriétaires terriens. Les prolétaires se battront pour abolir la classe capitaliste.

Il peut arriver que le prolétariat révolutionnaire reprenne l’objectif du développement capitaliste6, mais seulement dans les cas où la révolution politique se produit dans des zones de développement capitaliste insuffisant. Selon la théorie marxiste, les bases du communisme doivent être posées, avec la socialisation du travail et le développement de la science et de la productivité du travail, par le capitalisme lui-même.

Il ne peut y avoir le développement de transformations communistes que sur la base d’une grande industrie et d’un système de machines développé7.

Selon les réflexions de Marx et de Lénine sur la Russie arriérée, il peut aussi y avoir d’autres bases, mais à condition qu’elle soit conduite par des pays qui partent de niveaux avancés de développement des forces productives.

Dans la Russie de 1917, le prolétariat était confronté à la tâche de développer un capitalisme sans capitalistes, un capitalisme sui generis car il était contrôlé par une classe ouvrière organisée en dictature à travers son Parti.

Les résultats et les limites et, plus généralement, les contradictions de ces expériences ne sont pas l’objet de cet essai, mais il faut souligner que nous parlons de révolutions qui, partant du maillon faible de la chaîne hyper-iliste, ont réussi à détruire des continents entiers (les premières expériences réelles d’organisation socialiste et la vague anticoloniale sont liées à ces deux révolutions), sans toutefois affecter les citadelles des métropoles impérialistes de l’époque.

Lorsque Tronti parle de la subjectivité innée de la classe ouvrière et du fait qu’elle est le moteur du développement, il ne pensait pas à la Russie ou à la Chine, il se référait seulement au développement du capitalisme occidental.

Si le postulat fondamental de l’opéraïsme, sa  » thèse stratégique « , est que la classe ouvrière précède le capital historiquement et en conscience, c’est qu’elle décide dès le départ d’imposer  » de force  » ses propres lois du mouvement au capital.

L’arcane est à l’opéraïsme ce que la vitamine C est à l’orange

Voilà donc l’impénétrable mystère. Bien qu’elle soit « pour elle-même » et maîtresse du champ social, à un certain moment, la classe ouvrière est confrontée à « un changement décisif dans les relations de pouvoir : tout le pouvoir est passé aux mains du capital – le pouvoir de commandement sur le travail, d’exploitation sur les travailleurs » .

Pour Tronti, le travail salarié rencontre le travail productif.

Une rencontre occasionnelle… Le travail salarié – Tronti le sait bien – trouve son essence dans le lien qui le lie à l’échange productif avec le capital, dans le fait qu’il est l’agent de valorisation, l’unique source de plus-value. La rencontre entre le travail salarié et le travail productif est donc, dans la crise, encore plus obligatoire que dans le développement. C’est la règle dans le capitalisme. Tronti a opportunément reconnu l’autonomie de la force de travail, qui se présente sur le marché libre de se vendre et de ne pas se vendre. Comme l’admet la sociologie du travail, les choix et les vocations ne sont certainement pas la règle sur le marché du travail. Celui- ci fonctionne selon des règles objectives fixées par la nécessité de l’accumulation capitaliste.

Quelle est la classe ouvrière pour Tronti ?

Tout d’abord, répond le théoricien de l’ouvriérisme, une classe pour elle-même, antagoniste, politiquement autonome. Tronti reconnaît que la force de travail, partie variable du capital, est un rouage subordonné du capital mais pour lui c’est un aspect secondaire.

Ce qui prime, c’est l’aspect spirituel, « l’esprit saint » antagoniste qui, nous assure Tronti, est là, même quand on ne le voit pas, puisqu’il préside à tout depuis la nuit des temps.

La classe subjective : par sa seule force de volonté, la classe est révolutionnaire

Le mode de production capitaliste en vient, du fait de tels renversements idéalistes, à perdre sa base objective. La production et la reproduction de la vie matérielle, le développement des forces productives, l’augmentation de la productivité du travail ne sont plus la base de la vie sociale, tout cela étant mesuré selon le thermomètre ouvrier  » par le degré de conscience révolutionnaire de la classe ouvrière « .

Le processus de production lui-même est présenté comme « un moment de lutte des travailleurs ».

La loi de la valeur est réduite à un « mot d’ordre ». Parce que pour Marx, soutient Tronti, ce n’était rien de plus qu’une thèse politique.

La valeur-travail signifie donc d’abord la force de travail puis le capital ; elle signifie le capital conditionné par la force de travail, mûe par la force de travail, en ce sens la valeur mesurée par le travail.

Le travail est la mesure de la valeur parce que la classe ouvrière est « la condition du capital ». La classe ouvrière ainsi produit tout, même la bourgeoisie. Elle n’est plus analysée comme un produit historique du capital. Elle devient une force de la nature nourrie par toute une mythologie ouvrière.

Ainsi toutes les lois sur la crise disparaissent. La crise n’est plus due à des causes objectives, la croissance de la composition organique du capital, la baisse du taux de profit, le contraste entre les rapports de production et les forces productives. La crise est pour l’opéraïsme uniquement politique « crise imposée par les mouvements subjectifs des travailleurs organisés ».

Pour l’opéraïsme italien, mais il en va de même pour d’autres écoles politiques comme les Frankfurtistes allemands ou les courants ultra-sinistes français (les Situationnistes par exemple), la crise n’a pas existé, c’était un mythe du passé. Les contradictions objectives du capital ne sont alors plus analysées.

Si la catégorie de crise apparaît, elle est définie uniquement lorsque les ouvriers « produisent » la lutte.

La classe ouvrière devient le processus révolutionnaire. Ce qui coïncide à son tour avec le « contrôle des travailleurs sur les mouvements du capital », avec la « domination » sur le capital.

La classe ouvrière est mouvement, révolutionnaire par sa propre volonté

Tronti (ainsi que toute la social-démocratie ancienne et nouvelle) contraint le prolétariat à faire « sa révolution » dans le cadre du mode de production capitaliste. Son but ultime, pour les ouvriers, est de bloquer le développement du capital, qui est aussi son produit, mais il ne s’agit jamais de le supprimer8.

Née antagoniste et consciente, la classe ouvrière est condamnée par la philosophie ouvriériste à :

1) développer le capital

2) pour le saboter ou le contrôler

La révolution prolétarienne est ainsi banalisée, réduite à une lutte quotidienne pour les salaires. La grève selon le vieux jargon syndicaliste révolutionnaire sorelien est vue comme  » la plus terrible menace qui puisse être portée à la vie même de la société capitaliste « . Allant ainsi jusqu’à supprimer la nécessité de la révolution communiste elle-même.

Réformisme

Dans l’ouvrage « Ouvriers et capital », le but du communisme, est supprimé et remplacé par le réformisme : c’est le programme de l’opéraïsme.

Tout tourne autour du  » décisionnisme politique  » à la  » volonté « .

La politique est en effet, pour Tronti, une « intervention », un « refus global de l’objectivité », une expression de la volonté sans règles, de sorte que l’opposition entre théorie et politique peut être considérée comme normale. Le léninisme est réduit par l’opéraïsme à une tactique à multiples facettes.

Pour Tronti, la tactique est « invention quotidienne », c’est l’adhésion aux choses réelles et en même temps libre « d’idées directrices ».

Il n’y a que la « révolution quotidienne », la classe ouvrière fait la révolution jour après jour, « commandant » le capital à sa volonté sur le plan politique, à tel point que, à quelques modifications près, l’État impérialiste lui-même est une expression de l’autonomie ouvrière, il n’est pas nécessaire de détruire, de briser l’État capitaliste.

Dans l’ouvriérisme, le moment de la rupture, de l’insurrection, de la lutte armée, de la dictature du prolétariat disparaît.

Quand ces termes sont utilisés, ils le sont mais avec un autre sens, pour donner un nom ronflant à la grève, à l’organisation syndicale, au mouvement, au réformisme lui-même… Ces derniers temps, nous avons assisté à la prose ridicule des  » autonomes  » sur les grèves insurrectionnelles, les ultimatums contre l’État, etc.

Si la classe est permanente en soi, à quoi sert le Parti ?

Il existe une classe « pour elle-même », même sans parti. Il s’agit tout au plus d’un simple outil d’organisation que la classe utiliserait à sa guise, qu’elle prend, qu’elle laisse au grè de son « bon vouloir ».

Le marxisme de Tronti et des ouvrieriste est donc lié à un subjectivisme extrême, et est idéologiquement réformiste.

Pour l’opéraïsme, la classe ouvrière est antagoniste par nature, mais destinée pour l’éternité à être une force de travail. Dominés dans le processus de production, mais dominants dans la sphère politique.

Toutes ces formules irrationnelles expriment, même de manière transparente, le désir du théoricien des classes intermédiaires salariées en lutte de réconcilier, de rapprocher, d’agoniser – mais sans vainqueurs ni vaincus – le capital et la force de travail.

Du début à la fin, il y a une lutte, mais une lutte qui ne se termine jamais, qui ne passe jamais à un stade supérieur.

Le capital est économiquement rationnel, l’anarchie du marché n’existe pas dans l’ouvriérisme (seulement peut-être lié à ses composantes les plus extrêmes et rétrogrades…) alors pourquoi le supprimer ?

Il est donc nécessaire que les ouvriers la rationalisent politiquement, et ainsi après l’ivresse « extrémiste », il y a place pour le bon sens réformiste et gradualiste…

Ugo Piazza Nelly Bordon

1No.2 Supernova : « Critique de l’opéraisme, Ranerio Panzieri », C.B et M.R., hiver 2022-23

2 La première édition en italien date de 1966. En francais, la première édition date de 1977, il a été réédité en 2016 aux Editions entremonde.

3 Mario Tronti (1930- ) est considéré comme l’un des fondateurs du courant opéraïste des années 1960. Professeur pendant trente ans à l’université de Sienne, il fut candidat du parti communiste italien dans les années 1980, député pour le parti démocratique.

4 Il existe une étroite corrélation entre les thèses idéologiques de Tronti et les auteurs de la droite nationaliste « irrationnelle » de Weimar tels que Ernst Jünger (1895-1998) ou Carl Schmitt (1888-1985). Le texte d’Ernst Jünger, le travailleur, la domination et la forme (écrit en 1932), est le point de départ des thèses de Tronti. Nous ne savons pas s’il existe des ouvrages qui illustrent précisément la proximité et des références théoriques entre Tronti, l’opéraïsme et George Sorel (un des pères avec Proudhon du syndicalisme révolutionnaire français). Mais il ne fait aucun doute qu’il existe une similitude. Il est intéressant de noter comment dans la culture française Sorel a disparu, survivant grâce à la galaxie souterraine de l’extrême droite française. Sa pensée est paradoxalement très proche de toute une série de positions de l’actuelle gauche libertaire et libérale post-moderne et des syndicalistes autodéterminés. Cet « oubli » est dû semble t il à cette gauche qui n’admet pas que ses pères incluent des philosophes racistes, libéraux et conservateurs, ni que sa propre politique est affectée par ces courants idéologiques.

5 Le capital, Karl Marx

6 En Russie par exemple, où le degré de développement était faible, idem pour le statut de pays semi-colonial de la Chine.

7 Pensons au mythe des socialismes indigènes qui, malgré leur charge anticoloniale positive, n’ont pas pu dépasser comme horizon les formes d’économie précapitalistes et étaient donc inévitablement destinés à succomber.

8 Pensons à la rhétorique sur le rejet du travail (sabotage, absentéisme, etc.), considéré non pas comme une forme spontanée et primitive de résistance ouvrière mais comme une ingénieuse stratégie révolutionnaire, sans jamais évoquer l’abolition du travail salarié.

Aller à la barre d’outils